Bibliothécaires de la Caraïbe
« S’il y a un jour assez de technologie pour me tatouer un livre derrière les paupières, je pense que je voudrais toujours tenir quelque chose en main et tourner une page encore », Edwige DANTICAT
Le
congrès annuel des bibliothécaires de la Caraïbe qui s’est tenu en
Haïti du 4 au 8 juin dernier traitait la question des technologies sous toutes
ses coutures : les impacts économiques, sociaux, culturels et politiques
ont été présentés par les panellistes à un public attentif (120 participants).
Quatre collègues des bibliothèques de l'Université des Antilles et de la Guyane se sont relayés à la tribune de la salle
des Congrès de l’hôtel Karibe pour présenter une base de données appliquée à
l’usage traditionnel des plantes médicinales dans la Caraïbe (Hervé
CHASSERIEAU, BU Guadeloupe), les
enjeux humains de l’automatisation du prêt/retour de documents (Gladys
GONFIER, BU Guadeloupe), les bibliothèques numériques et la valorisation des contenus institutionnels (Anne PAJARD, BU Martinique) ainsi que les possibilités d’enrichissement de
Wikipédia à partir des données collectées dans nos bases de données sur la
Caraïbe (Frédéric VIGOUROUX, BU
Martinique).
Bibliothécaires de la Caraïbe sur le parvis du Centre culturel de la FOKAL |
Mais
aller voir la coupole du palais présidentiel - effondrée telle une meringue
improbable - à Port-au-Prince, visiter les
bibliothèques en reconstruction, aller à la rencontre des partenaires
locaux tels l’Agence Universitaire de la Francophonie, l’Université Notre-Dame d’Haïti ou Bibliothèques
Sans Frontières et apporter notre soutien à projet et notre expertise, tels
furent aussi les résultats de cette équipée dans un pays en pleine reconstruction.
Les
moments festifs comme les soirées culturelles à la FOKAL (fondation SOROS pour
la culture et les bibliothèques) ou avec le groupe Ti Koka & Wanga Nègès dans le parc du luxueux hôtel Karibe contrastaient fortement
avec les espaces encore couverts de gravats et
les enfants des villages de toile. Ce choc permanent entre l’extrême
richesse des uns et le dénuement criant des autres nous a semblé tempéré par la
réelle dynamique de la population et la politique affichée du «Tous à l’école !».
Oui,
en 4 jours nous avons croisé le Président d’Haïti au bar de notre hôtel, vu son
portrait rivalisant avec celui de Jésus en ville, observé partout des écoliers
en uniforme, nous avons subi les embouteillages et la poussière, nous avons
échangé avec les auteurs haïtiens présents au congrès et à la bouillonnante
fête du Livre, nous avons vu des hommes en arme devant les supermarchés, nous
avons croisé des casques bleus dans leurs chars ou camions, nous avons admiré
l’art (peinture, scènes en métal martelé par les boss fé) vendu à
même le trottoir, nous avons perçu la
ferveur de la population à l’occasion de la Fête Dieu, nous avons goûté aux
rhums Barbancourt, nous avons deviné
que tout n’était pas perdu mais que tant restait à faire ! La coopération
internationale, et en ce qui nous concerne biblio-universitaire, trouve tout
son sens à Haïti : c’est avec le sentiment d’avoir versé une goutte dans
un océan que je reviens. Ma table de nuit est pleine à présent de ces auteurs
qui font la réputation de cette île créative, garder absolument le lien avec
nos hôtes extraordinaires, voici l’objectif après ce retour d’Haïti.
Nathalie ERNY, directrice de la Bibliothèque universitaire du campus de Schoelcher (Martinique)
Nathalie ERNY, directrice de la Bibliothèque universitaire du campus de Schoelcher (Martinique)