lundi 17 mars 2014

Focus Manioc : Hégésippe Jean Légitimus

Conseiller général, Maire de Point-à-Pitre et Député de la Guadeloupe


Hégésippe Jean Légitimus
(1868-1944)

Photographie tirée de l'ouvrage de
Henri Adolphe Lara
Contribution de la Guadeloupe
à la pensée française : 1635-1935


En pleine période électorale, le nouveau numéro de Focus Manioc vous propose de découvrir un homme politique guadeloupéen : Hégésippe Jean LégitimusConseiller général, maire de Pointe-à-Pitre, député et fondateur du mouvement socialiste de la Guadeloupe, nous verrons comment cet homme, aux origines modestes, a su grimper les échelons de la société post-esclavagiste des XIXe et XXe siècles ? 


Né le 8 avril 1868 à Point-à-pitre, le jeune Hégésippe est issu d’un milieu modeste : fils d’un marin pêcheur  et d’une mère ouvrière d'habitation. 
A la mort de son père, perdu en mer en 1884, le jeune Hégésippe dit "Sonson" est élevé par son oncle dans les faubourgs de Point-à-Pitre. A force de sacrifices, son oncle parvient à le faire entrer au lycée de Pointe-à-Pitre. Il fait ainsi partie de la première promotion de Noirs à accéder au lycée. En 1888, il est exclu du lycée et ne peut achever ses études secondaires. La cause ? Une bagarre avec un répétiteur mulâtre. Le jeune Légitimus est intervenu pour défendre un ami, Anthony Abel, qui aurait reçu un coup de pied de cet enseignant.

Après cet épisode, Hégésippe Légitimus entre à l’Association des Amis des Noirs dirigés par Destreville Choulon. Par son charisme et son talent d’orateur, il en devient un des leaders. En 1891, il transforme cette association en un Comité de la Jeunesse Républicaine. Le 14 juillet 1891, le comité lance le journal Le Peuple. Ce journal avait pour but de "défendre les petits et humbles quels quelle que soit la couleur de peau". L’année suivante, le journal est remplacé durant quelques mois par Le Cri du peuple. Notons que Légitimus créa d'autres journaux pour lutter contre la misère et la pauvreté chez le "petit peuple", ainsi que pour soutenir la politique de Léon Blum et du gouverneur Félix Eboué : Schœlcher, La Fraternité, Le Front Populaire de la Guadeloupe et Le Phare Républicain.

C’est à partir des années 1890 qu’Hégésippe Jean Légitimus s’intéresse à la politique. En 1892, il est candidat aux élections municipales à Pointe-à-Pitre, mais il recueille peu de voix. Il est battu par le maire sortant de la commune de Pointe-à-Pitre : Armand Hanne. En 1893, il participe aux élections législatives et crée la surprise en obtenant plus de voix que son adversaire Auguste Isaac. Malheureusement au second tour, son adversaire l'emporte. En 1894, Légitimus est élu conseiller général du canton du Lamentin. L’année 1898 marque son triomphe, puisqu’il devient député, à l'âge de 30 ans.


Légitimus passe un accord avec un homme politique guadeloupéen Gaston Gerville-Réache et ses partisans républicains. Cette union porte ses fruits, car en 1898, il est élu président du conseil général de la Guadeloupe. Mais la discorde s'installe dans les deux camps, une scission est engagée. Pour faire face à cette situation Légitimus fait alliance avec Gérault-Richard, journaliste. Ensemble, ils fondent, en 1902, "L'Entente Capital-Travail". En 1904, il devient le maire de Point-à-Pitre.

Cette union va conduire au triomphe en 1908, puisque Gérault-Richard est élu en Basse-Terre et Légitimus en Grande-Terre. A cette période, on voit apparaître de nouvelles mesures en Guadeloupe : la laïcisation de l'école primaire, la création d'un hospice, des subventions diverses etc.

Malheureusement l'union entre les deux hommes se brise. Ainsi commence les années terribles de 1907 à 1912 qui conduisent à la mort de "l'Entente Capital-Travail", à l'isolement et à l'élimination de Légitimus en politique.

Portrait de M. Légitimus 
En effet, lors des élections cantonales, il est poursuivi par le procureur général dans une affaire de fraude électorale. L'année suivante,  il est condamné à deux ans d'emprisonnement et à cinq années de privation de ses droits civiques. Il se pourvoie en cassation et échappe à l'arrestation. Cet épisode lui vaudra une mauvaise réputation.
En 1912, il perd la mairie de Point-à-Pitre contre Achile René-Boisneuf. Isolé, affaibli du parti, délaissé par le prolétariat, déprimé par les procès et ses poursuites judiciaires, Légitimus décide de se retirer et de ne pas se représenter aux élections législatives de 1914.


En 1937, le président de la République, Albert Lebrun, nomme Légitimus chevalier de la Légion d'honneur. Le 29 novembre 1944, il meurt en France à Angles-sur-L'Anglin. Il sera enterré au cimetière du village. En 1947, le ministère des Colonies accepte de rapatrier le corps. Le lundi 31 mars 1947, la dépouille de Légitimus arrive par bateau. Il est exposé à la mairie de Basse-Terre, puis de Point-à-Pitre où eurent lieu les funérailles le 2 avril 1947.



Manioc vous propose plusieurs documents pour approfondir vos connaissances sur l'homme politique guadeloupéen :

Ouvrages numérisés :

  • Philippe Cherdieu, La rupture Gérault-Richard - Légitimus (1906-1907), Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe, n°59, 01-01-1984, pages 109-134.
  • Florent Girard, Hégésippe Jean Légitimus : ou L'Apôtre de l'émancipation des Nègres de Guadeloupe, Point-à-Pitre, éditions Jasor, 2005, 110 pages.
  • Jean-Pierre Sainton, Les nègres en politique : couleur, identités et stratégies de pouvoir en Guadeloupe au tournant du siècle, Tomes 1 et 2, Thèse de doctorat en Histoire, Université de Provence (Aix-Marseille 1), Faculté des lettres et sciences humaines, 1997.
  • Philippe Cherdieu, La vie politique en Guadeloupe, l'affrontement Boisneuf-Légitimus, 1898-1914, Tomes 1 et 2, Thèse de doctorat, Histoire, Paris, Institut d'Etudes Politiques, 1981.

Bonne lecture !
C. P.

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2014/03/focus-manioc-hegesippe-jean-legitimus.html

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