Un grand commis d'État, de l'Ancien Régime à la Restauration
En feuilletant nos nouvelles acquisitions en ouvrages numérisés, nous tombons sur plus d'une vingtaine d'ouvrages d'un certain François Barbé de Marbois. Né en 1745 dans une famille d'hommes de loi et de la vieille bourgeoisie lorraine, le comte Barbé de Marbois poursuivit une carrière de grand commis au service de la puissance publique pour quatre régimes successifs : l'Ancien Régime, la Révolution, l'Empire et la Restauration. Un exploit que peu ont accompli - on évoque souvent Talleyrand, tant la période était prompte à destituer les notables de la veille.
Source : Manioc |
Par la protection du marquis de Castries, ministre de la Marine, le comte Barbé de Marbois se voit ouvrir à lui les portes d'une brillante carrière et de la noblesse. Il entre dans la diplomatie comme attaché de légation (1768 -1779), puis chargé d'affaires dans les états allemands. C'est au cours de son séjour aux États-Unis où il officie comme consul, qu'il épouse Elizabeth, la fille d'un ami, M. William Moore, banquier et président du Conseil exécutif de Pennsylvanie.
Grâce à son réseau d'ami haut placé (en plus du marquis de Castries on trouve le marquis La Luzerne, alors ministre de la Marine et des Colonies sous Louis XVI) Barbé de Marbois obtient, en 1785, la charge d'intendant général de Saint-Domingue, un poste colonial clé qu'il occupera jusqu'au tout début des troubles révolutionnaires de 1789. Voici ce qu'en dit une source Manioc (Justin Chrysostome Dorsainvil, Manuel d'histoire d'Haïti, Port-au-Prince : Procure des Frères de l'Instruction Chrétienne, 1934, p.61) :
L'Intendant, Barbé de Marbois, était un homme énergique, remarquablement doué, et qui, par son esprit d'ordre et sa fermeté, avait relevé, en moins de quatre ans, les finances de la colonie. En d'autres circonstances, il aurait pu contenir et endiguer les éléments de révolution ; mais il fut mollement soutenu par la métropole.
En octobre 1789, menacé dans sa vie par la jeunesse révoltée du Cap (on ne lui pardonnait pas la suppression, en 1787, du Conseil supérieur de cette ville), comprenant que la faiblesse du nouveau gouverneur rendait toute résistance impossible, il s'embarqua pour la France avec plusieurs officiers, ses amis, écœurés comme lui du désordre naissant.
Prévenu qu'il courait un risque d'emprisonnement, il quitte l'île en transitant par l'Amérique du Nord. À son retour en France, il est réintégré aux Affaires étrangères mais il échoue dans sa mission à Ratisbonne et Vienne pour tenter de neutraliser l'activisme des Girondins. S'il réchappe des rigueurs de la Terreur depuis ses terres où il s'est fait discret, suite au coup d'État du 18 fructidor (4 septembre 1797) il est déporté à Sinnamary en Guyane. De cet épisode douloureux, il tirera un journal riche en descriptions et informations sur la colonie pénitentiaire. Ce trésor documentaire fait du comte un célèbre prédécesseur du capitaine Dreyfus. Il y connaît un destin étonnant. Il réchappe de la maladie qui décime les déportés un à un avant de se voir autoriser par le nouvel administrateur à vivre à Cayenne. À la suite d'émeutes il se retrouve propulsé à la tête de la colonie. Grâce à ses vives protestations et les multiples démarches de sa femme, il est autorisé à rentrer en France après le coup d'État du 18 brumaire.
Source : Manioc |
Après quoi, il repart dès 1803 outre-Atlantique pour négocier le traité de cession de la Louisiane, cet immense territoire vendu aux récents États-Unis par Napoléon Ier pour financer ses guerres européennes. Son expérience et sa réputation lui permettent d'accéder ensuite à la direction du ministère du Trésor avant d'être nommé par Napoléon premier président de la Cour des comptes, poste qu'il occupe jusqu'à sa retraite tardive des affaires publiques en 1833, à l'âge avancé de 89 ans. Il meurt à Paris trois ans plus tard.
Sur Manioc :
L'oeuvre de François Barbé de Marbois aux colonies d'Amérique :
François Barbé de Marbois, État des finances de Saint-Domingue : contenant le résumé des recettes & dépenses de toutes les caisses publiques depuis le 1er janvier 1788, jusqu'au 31 décembre de la même année, Paris, Imprimerie royale, 1790, 48 pages.
François Barbé de Marbois, Remontrances de Monsieur de Marbois, Intendant de Saint-Domingue, contre l'Arrêt d'enregistrement de l'acte intitulé : ordonnance de M. le gouverneur général, concernant la liberté du commerce pour la partie du sud de Saint-Domingue, [s.l.], [s.n.], 1789, 11 pages.
François Barbé de Marbois, Journal d'un déporté non jugé, ou Déportation en violation des lois, décrétée le 18 fructidor an V (4 septembre 1797), Tome I, Paris, Chatet, 1835, 272 pages.
François Barbé de Marbois, Journal d'un déporté non jugé, ou Déportation en violation des lois, décrétée le 18 fructidor an V (4 septembre 1797), Tome II, Paris, Chatet, 1835, 323 pages.
Sur la vie des déportés conventionnels et leur projet d'évasion de Sinnamary :
Isaac-Etienne de La Rue, Histoire du dix-huit fructidor ou Mémoires contenant la vérité sur les divers évènemens qui se rattachent à cette conjuration : précédés du tableau des factions qui déchirent la France depuis quarante ans, et terminés par quelques détails sur la Guyane considérées comme colonie. Deuxième partie, Paris : Demonville, 1821, 537 pages.
Sur l'oeuvre de François Barbé de Marbois au cours de sa déportation en Guyane :
Pierre-Marie-Sébastien Catineau Laroche, De la Guyane française, de son état physique, de son agriculture, de son régime intérieur et du projet de la peupler avec des laboureurs européens ou Examen d'un écrit de M. le marquis de Barbé-Marbois, sur le même sujet. Suivi de Considérations sur le commerce colonial de la France et sur l'administration spéciale de ses colonies, Paris, Imprimerie de C. J. Trouvé, 1822, 230 pages.
X. H.