lundi 12 septembre 2016

Manioc je me souviens : le cyclone de 1928

Le désastre de 1928



"Les dégâts du cyclone de 1928 à Pointe-à-Pitre"
Collection LAMECA

Le 12 septembre 1928, un cyclone ravagea une grande partie de la Guadeloupe et plus particulièrement la ville de Pointe-à-Pitre. Retour sur cet événement tragique à travers les témoignages du Révérend Père L. Quentin et du docteur Fabre.



Au lendemain du passage du cyclone, la ville de Pointe-à-Pitre et ses alentours sont dévastés : maisons, églises, usines éventrées, des morts ensevelis sous les débris de leurs maisons ...  La ville n'est plus qu'un champ de ruine (voir photos). L'économie de l'île est également atteinte en son cœur : agriculture, transport, commerce ... tout est à reconstruire.

"Les rues de Pointe-à-Pitre étaient un amas de pierres, de briques, de branches d'arbres, de feuilles, de tôle, d'ardoises, de tuiles, de fils télégraphiques, de bois de poutres, etc... Neuf dixièmes des maisons étaient endommagées ou détruites totalement. Les collines environnantes (Feret, Chavel, Massabielle) étaient dénudées, brûlées, roussies, toute végétation ayant disparu. Rappelons que le cyclone s'était accompagné d'un raz de marée et, selon certains d'un tremblement de terre ; les trois éléments conjugués entraînaient à Pointe-à-Pitre 600 morts ou disparus et blessés". 
"Certaines rues étaient complètement barrées par des maisons écroulées, déplacées ou renversées. [...] D'autres étaient fortement inclinées et menaçaient de s'écrouler.  Sur les quais, même vision lugubre. [...] Aucune barque, toutes avaient disparu. [...] Les constructions en pierre bordant les quais étaient ravagées. Les hangars des compagnies maritimes étaient dévastés, les charpentes en fer étaient tordues, les marchandises enlevées. Ce qui était resté sur place : farine, riz et sucre, tout cela n'était bon qu'à être jeté."
"[...] on aurait dit une ville qui venait de subir un bombardement. Nous montâmes rapidement dans nos chambres ; tout était trempé. Les cloisons défoncées, les portes, les fenêtres arrachées, le toit enlevé La galerie déchiquetée. [...] Tant pis pour cela ; nous étions vivants, c'est l'essentiel." (F. Fabre et G. Stehle, "Le cyclone de 1928 à la Pointe-à-Pitre", Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n°91-94, 1992, p. 42 -55.)

On comptabilise près de 1270 victimes ainsi que de nombreux blessés :
"Eglise de Baie-Mahault après le cyclone"
Coll. Lameca
"Cinq jours après le cyclone, on comptait 1200 morts tués et noyés et si l'on compte tous ceux qui meurent des suites du cyclones (bronchite, pneumonie, misère) le chiffre atteindra plus de 2000 pour la Guadeloupe." [...] "Sur une petite colline, avait été bâti un orphelinat ; nous ne voyions plus que des ruines et, un peu plus tard, on apprenait que la directrice et plusieurs enfants étaient morts sous les décombres. [...] Telle famille ensevelie sous sa maison. Un tel a été tué, tel enfant, a été noyé. Des blessés gémissaient, des malades s'étaient réfugiés sous quelques feuilles de tôle.(F. Fabre et G. Stehle, "Le cyclone de 1928 à la Pointe-à-Pitre", Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n°91-94, 1992, p.57-67.)

La Guadeloupe resta isolée jusqu'au lundi suivant laissant les survivants seuls face au désastre. L'heure était grave, il fallait soigner les blesser, enterrer les morts, se nourrir, trouver un endroit ou dormir, rebâtir et attendre les secours ...
"Distribution de vivres aux sinistrés"
Coll. LAMECA
"Dès le mardi soir, un bateau entrait dans la rade. Il fut accueilli comme un sauveur, et dès lors, le ravitaillement se fit régulièrement. Nous n'avons pas trop souffert de la faim. Les boulangers purent reprendre leur travail assez rapidement et les commerçants avaient des stocks de biscuits, qui, par bonheur, avaient échappés au désastre. Nous redoutions les épidémies, le bon Dieu nous en a préservé. Les cadavres rejetés par la mer furent brûlés sous le contrôle d'un médecin. Les décombres furent débarrassés de leurs victimes, mais je vous laisse à penser les odeurs qui se dégageaient de là. On fit des fosses communes et les malheureux dorment ensemble leur dernier sommeil.(F. Fabre et G. Stehle, "Le cyclone de 1928 à la Pointe-à-Pitre", Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n°91-94, 1992, p.66.)

En effet, le docteur Henri Fabre (1891-1944) était chargé de l'organisation du "Service d'hygiène" de l'Institut Pasteur en Guadeloupe. Après le cyclone, il organise un dispensaire des premiers soins et le ramassage des cadavres. Afin d'éviter les épidémies, il fait creuser par les détenus de la prison une fosse commune où seront inhumés entre 800 et 900 corps.


Cet ouragan d’une violence mémorable a laissé des traces dans les esprits des guadeloupéens. Après le ravage du cyclone, la ville de Pointe-à-Pitre va se transformer en introduisant du béton armé. L'architecte Ali Tur (1889-1977) envoyé par le ministère des Colonies pour rebâtir la Guadeloupe, construira le Palais de justice, l'hôpital, la capitainerie et d'autres petits bâtiments. Il sera à l'origine d'un véritable concept moderniste qui sera suivi par d'autres architectes jusque dans les années 1960.


  • F. Fabre et G. Stehle, Le cyclone de 1928 à la Pointe-à-Pitre, Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n°91-94, 1992, p. 42 - 73. Dans cet article, vous trouverez de nombreuses photographies prises au lendemain du cyclone par le médecin militaire Henri Fabre. 
  • Roméo Terral, La ville de Pointe-à-Pitre du cyclone de 1928 au départ du Gouverneur Félix Eboué (1938) : Le virage vers la Modernité, Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 157, 01-09-2010, p. 19-39.

Ouvrage

Bonne lecture ! 

C.P.

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2016/09/manioc-je-me-souviens-le-cyclone-de-1928.html

samedi 3 septembre 2016

Études caribéennes : parution du n°33-34 "Tourisme et ressources naturelles"

Tourisme et ressources naturelles : interactions, tensions, enjeux


Mettre en valeur, produire, exploiter et préserver les ressources naturelles : ces démarches sont-elles compatibles ? Le tourisme est tour à tour perçu comme un moyen de concilier conservation des ressources naturelles et développement, ou comme une menace pour la biodiversité. Tourisme de nature et écotourisme permettent-ils de résoudre ces paradoxes ? Le dernier numéro de la revue Etudes caribéennes questionne, de façon théorique et empirique ces contradictions.

Ce numéro 33-34 de la revue Etudes Caribéennes, dirigé par Bruno Sarrasin, Olivier Dehoorne et Dominique Augier, marqué par son caractère international, rassemble onze contributions sur la question des relations entre "Tourisme et ressources naturelles" principalement dans les pays du Sud. Quatre articles hors dossier et un compte-rendu de lecture complètent ce numéro double.

Analyses et études de cas se penchent sur les produits touristiques, les dispositifs, les pratiques, les modalités d'accès aux ressources naturelles, les usages, les stratégies de protection, la répartition des revenus générés mais également sur la façon dont les différents acteurs envisagent leur rapport aux ressources, les valeurs, intérêts et significations qu'ils y attribuent.


Jeunes palétuviers rouges dans l'étang des Salines
Sainte-Anne (Martinique). Source : O. Dehoorne
Autant de perspectives diverses, contextualisées, qui prennent corps dans des territoires (Guyane française, Kenya, Colombie, Algérie, Brésil, Haïti, Côte d'Ivoire, Cameroun), autour de types de "mise en tourisme" (tourisme balnéaire et de littoral, parc naturels, espaces ruraux...) et éclaireront tant les chercheurs spécialistes du tourisme que les socio-professionnels, acteurs locaux et politiques qui souhaiteraient "prendre la mesure du défi" comme nous y invite l'éditorial.

La revue est en accès libre et gratuit : consultez le numéro


AP


Regards croisés d'universitaires de la Caraïbe et du monde, la revue Études Caribéennes est un espace de publication scientifique international sur le bassin caribéen et les problématiques des mondes insulaires et tropicaux (développement, gestion des ressources, risques naturels, aménagement du territoire, tourisme, migrations, etc.).
Dirigée par Olivier Dehoorne, Études Caribéennes est une revue en accès libre publiée par l'Université des Antilles avec l'appui du Service commun de la documentation. 

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2016/09/etudes-caribeennes-parution-du-n33-34.html

vendredi 2 septembre 2016

Séminaire 2 : Qu'est-ce que la pensée postcoloniale ?

Enjeux civilisationnels des arts et littératures postcoloniaux




En juin dernier nous vous annoncions la tenue du deuxième séminaire sur la pensée postcoloniale autour des "Enjeux civilisationnels des arts et littératures postcoloniaux". Manioc vous propose de visionner les différentes conférences autour de cette thématique.


Cette manifestation scientifique entend poursuivre le développement de l’orientation donnée à la recherche sur la culture, le social et le politique par l’organisation de ce colloque. Elle contribue à la réception des recherches et études postcoloniales dans le champ du savoir français et antillais.
Ce séminaire se conçoit comme une entrée dans la dimension civilisationnelle naissante des sociétés caribéennes autour des paradigmes permettant d’éclairer cette émergence. Il se donne pour objectif de répondre à la question de savoir en quoi les arts et les littératures postcoloniaux sont une entrée dans l’intelligence des mutations de ces sociétés vers de nouvelles formes civilisationnelles. Il se propose d’étudier la production culturelle discursive et épistémologique de cette région en rapport avec la question qui se pose aux Caribéens et aux Américains des deux hémisphères après celle de la décolonisation : Comment penser l’avenir des sociétés après la décolonisation des consciences ?




Si vous souhaitez visionner les conférences du premier séminaire sur "Qu'est-ce que la pensée postcoloniale ?", cliquez sur ce lien.

C.P.

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2016/09/seminaire-2-quest-ce-que-la-pensee.html