lundi 27 mars 2017

Villes d’Art et d’Histoire en Guadeloupe : XIXe - XXe siècles

Deux rivages, deux rivaux ?

Pointe-à-Pitre


Le blog Manioc vous propose de suivre deux exemples notoires d’implantations urbaines en  Guadeloupe : Basse-Terre et Pointe à Pitre. D’abord forts, puis paroisses, découvrez une histoire de leur expansion et de leur patrimoine…


Après une première moitié de siècle difficile et éprouvante, les deux villes cherchent un nouveau souffle : en pierre pour Basse-Terre, en fer pour Pointe-à-Pitre. Pourtant, il y a encore quelques épreuves à traverser avant que les deux villes aient le visage qu’on leur connait aujourd’hui…

Nombre de nouveaux libres sont très démunis et en 1849, un hospice est installé à Basse-Terre. En 1850, on aménage les alentours de l’Eglise Saint-Pierre suite à la création des évêchés coloniaux. La ville reste néanmoins triste, et le cyclone de 1865 et l’épidémie de choléra qui s’en suit, n’arrangent pas les choses et laissent la ville en état de forte insalubrité : les plus aisés ne sont pas plus épargnés que les malheureux à cause de l’habitat beaucoup moins "ségrégé" qu’à Pointe-à-Pitre.
L'usine Darboussier
Cette dernière s’active alors à récupérer la gestion administrative de l’île, et à développer économiquement ses faubourgs : en 1869 on implante l’usine Darboussier à la place d’une vinaigrerie fondée près d’un siècle plus tôt, près du carénage. Cette construction vient faire écho au parc à charbon (1860) et au hangar de cantonnement des immigrants indiens (1868) implantés à la pointe Fouillole. En 1866, le gouverneur Frébault entreprend d’améliorer le balisage de la passe, suite au curage du port entamé en 1862 par la drague à vapeur. Contre l’indication des officiels, les bâtis continuent à s’effectuer avec un rez-de-chaussée en pierre et des étages en bois. Après l’incendie de 1871, la préoccupation majeure est toujours l’approvisionnement en eau douce.
Malgré des fondations marécageuses, l’eau est puisé par un siphon depuis l’habitation la Jaille dès 1872, jusqu’à un réservoir à Bergevin, répartissant par canalisations l’eau dans la ville. Les habitants s’approvisionnent ainsi à des fontaines (place du marché, par exemple). L’habitat reste quand même enchevêtré. En 1897, Pointe-à-Pitre connait un séisme et un incendie important en 1899 suite à plusieurs années de sécheresse. La ville  va aussi s’enrichir d’une église (Lauricisque, 1888), crèche et orphelinats (1860 à 1884).
De plus, à l’aube du XXe siècle, à Basse-Terre, l’hôtel de ville est malgré tout inauguré en 1889 et en 1892 la place du marché s’ouvre de deux pavillons en "fer économique". La ville a alors presque pris son visage actuel.
Mais en 1928, un violent cyclone dévaste la Guadeloupe et pose la question urgente de la reconstruction, avec des matériaux plus appropriés. Grace à des fonds importants débloqués par l’Etat et des matériaux de la dette allemande de grands travaux sont lancés. C’est l’architecte Ali Tur qui sera choisi pour mener les chantiers des bâtiments gouvernementaux. Son but est de rebâtir vite, durablement et à faible coût. Ce sont plus de 120 édifices conçus entre 1930 et 1936 dont, à Basse-Terre, le palais du conseil général, la résidence du gouverneur et le palais de justice ainsi qu’un plan d’urbanisme seulement partiellement réalisé.
Dans les années 60, des barres HLM font leur apparition. Un poste à quai est édifié en 1961 et un boulevard maritime élargit et aménagé s’établit entre 1962 et 1965. Dans son prolongement, un nouveau pont est construit au-dessus de la rivière du Gallion au milieu des années 1970. L’activité de la Soufrière en 1976 force l’évacuation de la ville pendant plusieurs mois, qui ne s’en est économiquement toujours pas remis, en contraste avec à la prospérité pointoise…


Sur Manioc
Livres anciens :

Sur le catalogue collectif des périodiques Caraïbe - Amazonie :
  • F. Fabre et G. Stehle, Le cyclone de 1928 à la Pointe à Pitre, Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 91 à 94, 01-01-1992, p. 41-73.
  • Roméo Terral, La ville de Pointe-à-Pitre du cyclone de 1928 au départ du Gouverneur Félix Eboué (1938) : Le virage vers la Modernité, Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 157, 01-09-2010, p. 19-39.
  • Caroline Pourtugau et Bruno Kissoun, Le morne Darboussier à Pointe-à-Pitre : de l'habitation à la constitution de l'usine centrale, 1807-1867. L'histoire par un cimetière d'habitation, Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 166 à 167, 01-09-2013, p. 5-101.
  • Roméo Terral, La rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre, du départ de Félix Eboué (1938) à la fermeture de l'usine Darboussier (1981), Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 169, 01-09-2014, p. 111-116.
  • Christian Schnakenbourg, La banque de la Guadeloupe et la crise de change (1895-1904). Loi de l'Usine ou loi du marché ?, Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 87 à 90, 01-01-1991, p. 31-95.
  • Christian Schnakenbourg, La banque de la Guadeloupe et la crise de change (1895-1904). Loi de l'Usine ou loi du marché ? (suite), Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 104 à 105, 01-04-1995, p. 3-99.
  • Josette Fallope, Le problème sucrier en Guadeloupe dans la première moitié du XIXe siècle (1815-1860) - 1ère partie, Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 23, 01-01-1975, p. 3-55.
  • Josette Fallope, Le problème sucrier en Guadeloupe dans la première moitié du XIXe siècle (1815-1860) - 2ème partie, Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 24, 01-01-1975, p. 3-50.

Revues en ligne : 

Ouvrages disponibles dans les bibliothèques de l'Université des Antilles  : 
  • Anne Pérotin-Dumon, La ville aux îles, la ville dans l'île Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820, Karthala, 2001.
  • Bruno Kissoun (dir.), Pointe à Pitre, urbanisme, et architecture religieuse, publique et militaire, XVIIIe-XIXe siècles, (par le service patrimonial de la ville de Pointe-à-Pitre), Jasor, 2008.
  • Maison architecture Guadeloupe, Regards sur la ville, art architecture et citoyenneté dans la Caraïbe, PLB Editions, 2013.
  • R. Bélénus, Le Carmel, berceau de l’histoire de la Guadeloupe, Editions du signe, 2012.
  • M-E. Desmoulins (dir.), Basse-Terre, patrimoine d’une ville antillaise, (par le service régional de l’Inventaire général de la DRAC Guadeloupe), Jasor, 2006. 
Bonne lecture ! 
A.S.

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2017/03/villes-dart-et-dhistoire-en-guadeloupe_27.html

jeudi 23 mars 2017

Hommage à Derek Walcott

Le prix Nobel de la littérature de la Caraïbe s'en est allé ...


Derek Walcott

C'est avec une grande tristesse que nous avons appris vendredi dernier le décès du poète, et dramaturge Derek Walcott, qui s'est éteint à l'âge de 87 ans sur son île, Sainte-Lucie. Manioc vous propose un hommage au chantre de la Caraïbe.


Né le 23 janvier 1930 à Sainte-Lucie, orphelin de père à l'âge d'un an, Derek, son frère jumeau et sa sœur sont élevés par sa mère Alix.
Après une licence d'anglais, latin et français à l'University College de la Jamaïque, il bénéficie de la bourse Rockefeller (1958) qui lui permet d'aller à New York étudier le théâtre. Lors de son séjour, le jeune Derek découvre la comédie musicale, ainsi que les genres dramatiques chinois et japonais.
À son retour, il fonde en 1959, le Trinidad Theatre Workshop qu'il dirige jusqu'en 1976, dans le but de former des acteurs capables aussi bien de "jouer du Shakespeare que de chanter du calypso". Avec cette troupe, il met en scène les classiques mais aussi ses propres pièces comme Dream on Monkey Mountain (1970), Rêve sur la montagne au singe et Ti-Jean and his Brothers (1970). Dans ses pièces, il mélange le folklore et les contes populaires créoles.
En 1950, Derek Walcott crée sa première pièce Henri Christophe, qui met en scène le premier roi noir du Nouveau Monde. Le théâtre de Walcott trouve également sa source dans la comédie musicale avec The Joker of Seville (1978).
Parallèlement à sa production dramatique, Walcott a toujours écrit des poèmes. Dès l'âge de 19 ans, il se fait remarquer par ses recueils poétiques tels que : Poems et Epitaph for the Young (1948), 25 Poems (1949), In a Green Night (1962), The Castaway (1965) ou The Gulf (1969). Ses thèmes principaux sont la solitude, l'exclusion sociale, l'humain ainsi que la condition du poète dans le monde, les relations entre les Noirs et les Blancs, les colonisés et les colonisateurs ...
Depuis la fin des années 70, Walcott est professeur de littérature aux Etats-Unis. Il a enseigné à Yale, à Harvard et à la Boston University.
En 1990, il publie Omeros, un poème épique aux accents homériques, qu'on a souvent comparé à l'Iliade, traité à la manière Caraïbe. En 1992, Derek Walcott, reçoit le prix Nobel de littérature. Il fut le deuxième auteur noir, après le nigérian Wole Soyinka, à recevoir cette récompense.

"Break a vase, and the love that reassembles the fragments is stronger than that love which took its symmetry for granted when it was whole." 
Le célèbre discours du prix Nobel The Antilles: Fragments of Epic Memoryinvite, sur les ruines de l'esclavage et de la colonisation, à réinventer un imaginaire de la Caraïbe, autour de la capacité à "performer" ensemble, avec la diversité des mémoires sociales, avec un contexte, un environnement urbain, naturel (...), pleinement participant à l'oeuvre collective.
Rassembler les fragments, créer pour réhabiliter les connexions passées et présentes... 
Ce discours, comme l'ensemble de son oeuvre, inspire l'action de nombreux intellectuels, artistes et professionnels de la Caraïbe. On peut l'associer à la genèse de la bibliothèque numérique Manioc, que nous avons d'ailleurs eu la chance de présenter à Sainte-Lucie, en sa présence en janvier 2016

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2017/03/hommage-derek-walcott.html

mercredi 22 mars 2017

Villes d’Art et d’Histoire en Guadeloupe : XVIIIe - XIXe siècles

Deux rivages dérivants…

"Plan de Pointe-à-Pitre"
Source Gallica


Le blog Manioc vous propose de suivre deux exemples notoires d’implantations urbaines en  Guadeloupe : Basse-Terre et Pointe à Pitre. D’abord forts, puis paroisses, découvrez une histoire de leur expansion et de leur patrimoine…



Depuis 1766, il existe une route clairement tracée et fiable reliant Pointe-à-Pitre à Basse-Terre. Pourtant, les deux villes se développent l’une sans l’autre et ce dès l’éclatement de la Révolution… mais pas sans similarités : villes coloniales au XIXe siècle, elles subissent de multiples destructions et épidémies.

Ainsi, les révoltes d’esclaves au début des années 1790 et la prise de l’île par les Anglais en 1794 laissent les deux villes presque entièrement détruites à cause des incendies et de l’entretien négligé des lignes et postes de défense. Victor Hugues réussit à la reprendre cette même année et cette reconquête est aussi économique : l’abandon de l’exclusif est acté tant pour Basse-Terre que Pointe-à-Pitre. De par son activité commerciale revigorée et son rôle dans la préparation et l’armement des navires pour la reconquête des petites Antilles, le port de Pointe-à-Pitre prend alors son envol définitif, le plaçant au centre de la colonie en voie vers la prospérité !

Après la création du statut de commune sous la Révolution, la stabilité administrative retrouvée et améliorée par la création d’un préfet colonial en 1801, de grands travaux s’entament avec notamment un plan directeur pour Pointe-à-Pitre en 1806. Les guerres Napoléoniennes  y mettent un terme, drainant les moyens financiers… N’ayant pas eu le temps de renforcer les défenses de l’île, les Anglais en reprennent possession pendant les années 1810 et poursuivent les travaux de rénovation planifiés avant leur arrivée.

A leur départ définitif en 1816, on prévoit plusieurs accroissements vers les faubourgs pour une Pointe-à-Pitre presque entièrement rebâtie par l’occupant, afin qu’elle s’étende non plus vers les Abymes au nord mais vers l’ouest. En 1830 alors que s’achève la construction des quais, on creuse le canal Vatable et des efforts sont faits sur la voirie durant toute la décennie, aidant à l’assainissement du centre-ville qui finit alors presque de prendre le visage qu’on lui connait. Du côté basse terrien, également bien reconstruit sous l’occupation, le gouverneur Lardenoy décide d’établir un hôpital au carmel en 1819 et quatre casernes un peu plus loin en 1921.

Touchée par 3 violents cyclones en 4 ans la ville n’est plus qu’une ruine en 1925. L’administration se réfugie sur les hauteurs de Saint-Claude, loin du chaos et des épidémies. Dès 1828 des travaux sont entrepris pour reloger le gouvernement, malheureusement sans fonds… En 1844, un grand incendie ravage le cours Nolivos. Afin de garantir un meilleur accès à la mer (autant pour prévenir les incidents que pour le commerce), on crée alors la place Nolivos. Il faut attendre presque 30 ans avant que la Municipalité se lance dans des travaux de canalisation afin de séparer l’eau propre et les eaux usées. La situation du côté pointois n’est pas meilleure : là où Basse-Terre en souffre peu, le séisme de 1843 révèle la précarité des faubourgs insalubres : en 1865 y prend naissance une des plus importantes épidémies de choléra des Antilles françaises, conduisant au décès de plus de 1300 personnes en quelques mois !

Contrairement aux habitations de Basse-Terre, Les maisons y sont basses et mal aérées, au même niveau que le sol boueux, à l’exception de l’hospice civil Saint-Jules (actuel centre Rémy Nainsouta), achevé en 1847, telle une lueur d’espoir à la veille de l’abolition …


Sur Manioc
Ouvrages anciens:

Vidéos : 

Sur le catalogue collectif des périodiques Caraïbe - Amazonie :
  • Yves Bénot, Documents concernant Victor Hugues en 1795, Bulletin de la société d'histoire de la Guadeloupe, n° 130, 01-10-2001, p. 47-62.
  • Léon Rameau DANQUIN, Chronologie indicative des évènements de la période 1794-1802, Études guadeloupéennes (Abymes), n° 8, 01-08-2003, p. 19-32.
  • Max  CHARTOL , La Guadeloupe au milieu du XIXe siècle. Problèmes économiques et sociaux, Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 19 à 20, 01-01-1973, p. 7-117. 
  • Gérard Lafleur, Basse-Terre et la mer, Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 160, 01-09-2011, p. 67-91.
  • Lucien Abénon, En marge du siège de 1759 en Guadeloupe : les mémoires du Gouverneur Nadau Du Treil, Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 27, 01-01-1976.
  • Marcel Chatillon, Trahison des royalistes guadeloupéens par les anglais, Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 106, 01-10-1995, p. 100-117.
  • Anne Pérotin-Dumon, La ville aux îles, la ville dans l'île Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820, Karthala, 2001.
  • Bruno Kissoun (dir.), Pointe à Pitre, urbanisme, et architecture religieuse, publique et militaire, XVIIIe-XIXe siècles, (par le service patrimonial de la ville de Pointe-à-Pitre), Jasor, 2008.
  • Maison architecture Guadeloupe, Regards sur la ville, art architecture et citoyenneté dans la Caraïbe, PLB Editions, 2013.
  • R. Bélénus, Le Carmel, berceau de l’histoire de la Guadeloupe, Editions du signe, 2012.
  • M-E. Desmoulins (dir.), Basse-Terre, patrimoine d’une ville antillaise, (par le service régional de l’Inventaire général de la DRAC Guadeloupe), Jasor, 2006. 

Bonne lecture ! 
A.S.

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2017/03/villes-dart-et-dhistoire-en-guadeloupe_22.html