jeudi 15 décembre 2016

Le manioc s'expose au Musée des cultures guyanaises à Cayenne



Racines de Manioc

On a coutume d’identifier quatre grandes civilisations agri-culturelles : la civilisation du mil, du blé, du riz et enfin du maïs (qui a d’ailleurs gravement souffert des activités de l’industrie chimique). L’exposition consacrée au manioc qui se tient jusqu’au 17 juin 2017 au Musée des cultures guyanaises à Cayenne vient nous rappeler que l’histoire agri-culturelle de l’humanité s’est enrichie   d’une cinquième civilisation grâce à cette autre plante.



Au-delà de l’évidente et riche question alimentaire, l’exposition aborde les multiples usages de la plante dans l’histoire locale guyanaise, de la pharmacopée aux mythes et contes en passant par l’artisanat, elle souligne en somme que le manioc est un « fait social total ».


Gilberto Freyre dans Maîtres et esclaves : la formation de la société brésilienne, illustre ce caractère civilisationnel du manioc en évoquant la diffusion de ses usages à l’ensemble des populations, la plante devient alors creuset de la nation brésilienne en formation : 

 « La nourriture préparée par les femmes consistait surtout en pâte ou farine de manioc. Gabriel Soares vit, vers 1500, les Indiens râpant des racines de manioc jusqu'à ce qu'elles deviennent blanches :  « après les avoir lavées, ils les râpent avec une pierre ou une râpe à cet usage, puis ils en expriment le jus à l'aide d'un moulin de palmier qu'ils appellent tapitim et lorsque la pâte est bien sèche, ils en font la farine qu'ils mangent, cuite en une terrine à cet effet; on y met la pâte, on la fait sécher sur le feu, tandis qu'une Indienne la remue avec une moitié de calebasse, comme quand on fait des dragées, et cela jusqu'à ce qu'elle soit tout à fait sèche, sans un brin d'humidité, comme du couscous; mais plus blanche, et c'est ainsi qu'on la mange, elle est très douce et savoureuse » .
Les colons adoptèrent la farine de manioc à la place du pain de blé; les propriétaires ruraux préférant la farine fraîche au début, celle que l'on faisait tous les jours. Gabriel Soares dit à ce sujet que « le manioc est plus sain et meilleur que le bon blé et d'une digestion plus facile. La preuve en est que Tomé de Sousa, D. Duarte et Men de Sa ne mangeaient plus de pain de blé au Brésil, car ils ne s'en trouvaient pas bien, et beaucoup d'autres personnes en font autant».
La victoire du manioc indigène sur le blé fut complète; il devint la base de l'alimentation du colon (malheureusement sans avoir la valeur nutritive et la digestibilité que lui suppose l'ingénuité de Gabriel Soares). Encore aujourd'hui le manioc est l'aliment fondamental du Brésilien et la technique de sa fabrication reste, pour une grande part de la population, la même que celle des indigènes. A l'extrême Nord, la farine préférée est celle dite d'eau; voici comment les cabocles la préparent d'après H. C. de Sousa Araujo : « La macération est terminée lorsque le manioc se détache de son écorce, on le transporte alors dans des tipiti pleins d'eau, où on le laisse quelques jours. Quand il est bien mou, on le brise et on le râpe, on met la pâte dans de longs cylindres de jonc tressé ou de roseaux. Ces tipiti ont de un mètre et demi à deux mètres de longueur et sont suspendus au faite de la maison, une fois bien remplis, avec une pierre attachée à leur extrémité inférieure. Quand le suc du manioc, nommé tucupi, cesse de couler, on enlève cette pâte amylacée, on la fait sécher, puis on la porte au four. Cela donne une farine grossière, formée de boulettes dures, difficiles à mâcher». Au Nord-Est on préfère la farine « sèche », appelée autrefois « de guerre » et on la prépare comme à l'extrême Nord avec des « corbeilles tubulaires élastiques faites de feuilles de palmier », selon la définition de Teodoro Sampaio.
L'utilisation du manioc dans la cuisine indigène était d'une riche variété et bien des produits, préparés autrefois par les mains rougies des Indiennes, sont faits aujourd'hui par les mains blanches, brunes, marron ou noires des Brésiliennes de toutes les origines et de tous les sangs. La Brésilienne a appris de l'Indienne l'art des plus exquises friandises de manioc : la farine fine, de carima pour le bébé; la bouillie; le mbeiu ou beiju… ». 

(Maîtres et esclaves : la formation de la société brésilienne. Editions Gallimard, p.132-133).

Manioc (qui n’a jamais été si bien nommé) vous propose donc de préparer et d’accompagner votre future visite de l’exposition en consultant les documents suivants :

Livres et articles

Vidéos

Bonne lecture !

C.B.

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2016/12/le-manioc-sexpose-au-musee-des-cultures.html

mardi 13 décembre 2016

Hommage à Léo Elisabeth


Manioc a le regret de vous annoncer le décès de Monsieur Léo Elisabeth survenu le samedi 10 décembre à Paris. Il était âgé de 85 ans.
Agrégé d'histoire, enseignant au lycée Schœlcher (1961 et 1977), Léo Elisabeth devient inspecteur pédagogique régional en 1977. Docteur d'Etat en histoire en 1988, il prendra sa retraite en 1997. En 2003, il devient le président de la Société d'Histoire de la Martinique. Léo Elisabeth est l'auteur d'une centaine d'articles sur la société martiniquaise.


Manioc vous propose de découvrir ou redécouvrir quelques-uns de ses articles à partir du Catalogue collectif des périodiques Caraïbe-Amazonie :

  • Journal de Pierre Philippe Lecourt (septembre 1792 - mars 1794), Les Annales des Antilles : bulletin de la Société d'histoire de la Martinique, n° 29, 1994, p. 5-106.
  • La cession de Saint-Barthélémy à la Suède (1779-1785), Les Annales des Antilles : bulletin de la Société d'histoire de la Martinique, n° 31, 1997, p. 77-103.
  • Lettres de Charles de l'Yver lieutenant du régiment de Champagne relatant son séjour aux Antilles de 1779 à 1784, Les Annales des Antilles : bulletin de la Société d'histoire de la Martinique, n° 26, 1983, p. 1-100.
  • Europe, Afrique, Nouveau monde : femmes d'antan aux origines de la femme créole, Les Annales des Antilles : bulletin de la Société d'histoire de la Martinique, n° 27, 1988, p. 76-96.
  • Le référendum de 1958 à la Martinique, Les Cahiers de l'Outre-mer : revue de géographie trimestrielle publiée par l'Institut de la France d'outre-mer de Bordeaux, par l'Institut de géographie de la Faculté des lettres de Bordeaux et par la Société de géographie de Bordeaux, n° 358 à 359, 2008, p. 107-131.
  • Histoire : la ville, Les Cahiers du patrimoine : revue trimestrielle éditée par le Bureau du Patrimoine du Conseil Régional de la Martinique, n° 11 & 12, 01-1991, p. 13-18.
  • Histoire : la ville : De la révolution à 1848 : cinquante ans de luttes pour ou contre le droit commun, Les Cahiers du patrimoine : revue trimestrielle éditée par le Bureau du Patrimoine du Conseil Régional de la Martinique, n° 11 & 12, 01-1991, p. 23-32.
  • Vichy aux Antilles et en Guyane : 1940-1943, Outre-mers : revue d'histoire, n° 342-343, 01-01-2004, p. 145-173.
  • Le référendum de 1958 à la Martinique, Outre-mers : revue d'histoire, n° 358-359, 01-01-2008, p. 107-131.
  • Départementalisation adaptée 1958-1960 : une espèce d'autonomie, Outre-mers : revue d'histoire, n° 368-369, 01-09-2010, p. 75-96.
  • La Revue et le thème de la Martinique : huit décennies de contacts, Outre-mers : revue d'histoire, n° 376-377, 01-09-2012, p. 447-451.
  • Christianisation et monde colonial à la Martinique sous l'Ancien régime, Outre-mers : revue d'histoire, n° 380-381, 01-09-2013, p. 35-62.
  • La création des évêchés coloniaux, Les Annales des Antilles : bulletin de la Société d'histoire de la Martinique, n° 34, 2000, p. 7-64.
  • Léo Elisabeth et Jacques Adélaïde-Merlande, VIIIe colloque des sciences historiques : La période révolutionnaire aux Antilles et dans les Guyanes, Les Cahiers d'Eghin : revue de l'Association des enseignants de géographie et d'instruction civique de la Martinique, n° 1, 10-1989, p. 3-7.


C.P.




Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2016/12/hommage-leo-elisabeth.html

lundi 12 décembre 2016

Le CCEE Martinique rejoint Manioc !

Le Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE) de Martinique partenaire de la bibliothèque numérique Manioc !




Le CCEE de Martinique a choisi la bibliothèque numérique Manioc pour l'archivage pérenne et la diffusion large de la documentation produite dans le cadre de ses activités et missions de conseil. 

La convention de partenariat entre le CCEE et l'Université des Antilles, pilote de la bibliothèque numérique Manioc, a été signée il y a quelques mois et les premiers documents sont dores et déjà consultables en ligne, grâce à la coopération active des professionnels ! 


CCEE de Martinique : origine et devenir

Organes consultatifs des régions instaurés en Outre-mer par une loi de 1982, les CCEE constituent une sorte de "Conseil des sages", représentant la population. Ils ont été amené à se prononcer, depuis plus de trente ans, sur des questions de sociétés (éducation, patrimoine, culture, tourisme, environnement, logement...). 
Suite à l'évolution institutionnelle, le CCEE de Martinique va fusionner avec un autre organe consultatif, le CESER pour devenir le Conseil économique social environnemental régional (CESECE). Il était donc crucial de s'engager dans une démarche d'archivage pérenne. 
En plus de trente ans d'existence, le CCEE de Martinique a produit de nombreux documents afin d'enrichir la connaissance et d'éclairer les choix politiques.


Les documents du CCEE sur Manioc


Année de publication : 2012
Description : Ce livre blanc a été élaboré suite aux rencontres des langues et cultures régionales, en 2012, sous la thématique "médias et langues et cultures régionales". Il a pour ambition de formuler des préconisations pour un meilleur usage et une meilleure diffusion de la langue et de la culture créole dans les médias publics.

Année de publication : 1994
Description : Le recueil des textes juridiques relatifs aux espèces végétales et animales protégées à la Martinique, publié en 1994, nous permet de nous rendre compte de l'intervention de différents pouvoirs publics successifs depuis le 23 mai 1671. Les espèces protégées y sont exposées en trois catégories: terrestres et aviaires, marines, puis végétales. Dans la première, outre les oiseaux, se trouvent les mammifères, les reptiles et amphibiens, les crabes de terre. S'agissant de la seconde, elle évoque la pratique de la pèche, le sort des langoustes, oursins, tortues marines, dauphins et marsouins. Enfin, la troisième aborde des éléments essentiels de l'équilibre écologique de notre milieu insulaire. Ceux-ci, en raison de leur importance, sont également évoqués dans l'introduction.

La mangrove 
Année de publication : 1988

Description : Présentant une richesse biologique importante (bien que beaucoup plus marquée sur le plan faunistique), la mangrove a longtemps servi de cadre de vie aux populations amérindiennes. Ignorés par les colons, ces espaces sont redécouverts aujourd'hui sous l'angle écologique et nous apportent une compréhension d'ensemble de l'écosystème littoral, rivulaire, tout autant qu'infra tidal.


Le système éducatif scolaire et non scolaire en Martinique. Approche monographique

Année de publication : 1990

Éditeur(s) : CCEE: Comité de le Culture, de l'Education et de l'Environnement de la Région Martinique

Description : Cette étude fait un état des lieux de l'ensemble des composantes du système éducatif de Martinique en 1990. Elle comporte deux grandes approches : le système éducatif scolaire (primaire, secondaire, supérieur, services annexes de l'école), et le système éducatif non scolaire (formation professionnelle continue, apprentissage, éducation spécialisée, éducation populaire).
Permalien : http://www.manioc.org/recherch/T16014 


Année de publication : 2013

Description : La présentation souligne l'importance des traditions orales à travers les contes, proverbes, devinettes ("titim") et la façon dont elles ont inspirées les grandes voix littéraires. Un panorama des principaux mouvements littéraires qui ont marqué l'histoire des Antilles du XVIIe au XXIe est ensuite proposé. 
Permalien : http://www.manioc.org/recherch/T16011

Aimé Césaire : défendeur infatigable de l'identité culturelle
Année de publication : 2014 

Description : Cette brochure porte sur l'engagement d'Aimé Césaire à défendre l'identité culturelle en paroles et en actes. Elle a été réalisée à l'occasion de la célébration des trente ans des CCEE, institution chère à Aimé Césaire, qui dans son discours à l'Assemblée Nationale en 1981, affirmait la nécessité de prendre en compte dans un statut particulier nos spécificités et notamment la dimension culturelle.


Année de publication : 1995
Description : Etude réalisée sous la direction de François Testu, Professeur, et Hubert Montagne, Directeur de Recherches de l'INSERM. Permalien : http://www.manioc.org/recherch/T16016

Bonne lecture !


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AP




Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2016/12/le-ccee-martinique-rejoint-manioc.html

vendredi 9 décembre 2016

Focus : Frantz Fanon

Manioc rend hommage à Frantz Fanon 




Médecin psychiatre, écrivain et combattant anti-colonialiste, il a, en dépit d’une vie brève, marqué le XXe siècle par sa pensée et son action, bien au-delà de sa Martinique natale...



Né le 20 juillet 1925 à Fort-de-France, il grandit avec 5 frères et sœurs (deux autres sont morts très jeunes). Inscrit au Lycée Schœlcher, il suit les cours d’un certain Aimé Césaire. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il est choqué des abus commis sur le peuple martiniquais par la marine française collaborant avec le régime de Vichy et rejoint à 17 ans les Forces Françaises Libres en Dominique. Combattant en Algérie, puis à Colmar où il sera blessé, il reçoit la Croix de Guerre en 1944. Son régiment est alors dépeuplé des "non blancs" face aux journalistes chargés de relater la libération. De retour en Martinique en 1945, il finit son Baccalauréat et traverse de nouveau l’Atlantique. Après des études de médecine et de psychiatrie à Lyon, interne à Saint-Alban-sur-Limagnole, puis à Pontorson, il est nommé en 1953 Médecin-chef de l'hôpital psychiatrique de Blida en Algérie.
C’est lors de ses études en France où il s’intéresse aussi à la philosophie et la littérature, qu’il écrit Peaux noires, masques blancs, inspiré par le racisme "anti-noir" qu’il a subi pendant la guerre et les constats faits lors de son retour aux Antilles. Publié en 1952, préfacé par Francis Jeanson, philosophe et rédacteur en Chef aux éditions du Seuil, l’ouvrage humaniste et critique de la colonisation et de la conduite humaine affiche l’opposition de Fanon au racisme et au colonialisme : "Dois-je me confiner dans la justification d’un angle racial ?" s’y demande t-il. Dans Les Damnés de la Terre, œuvre tiers-mondiste de référence publiée en 1961, il affirme encore plus ses positions sur la violence du colonisé, légitime et nécessaire, contre celle exercée par la situation coloniale : "La colonisation ou la décolonisation c’est simplement un rapport de force. L’exploité s’aperçoit que sa libération suppose tous les moyens et d’abord la force". Les controverses dont ses conceptions font l’objet n’éclipsent en rien la portée de l’ouvrage. 

Mais Frantz Fanon est aussi un homme d’action. En 1956, deux ans après le déclenchement de la guerre de libération nationale en Algérie, il choisit le camp des colonisés. Il remet alors sa démission de son poste à l'hôpital en 1957 et rejoint le Front de Libération Nationale (FLN) en Algérie où il a d’importantes responsabilités. Membre de la rédaction de son organe central, El Moudjahid, il est chargé de mission auprès de plusieurs Etats d'Afrique noire puis ambassadeur du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) au Ghana. Il échappe à plusieurs attentats au Maroc et en Italie. Jusqu'à sa mort en 1961, Franz Fanon s'est donné sans limites à la cause des peuples opprimés : "Chaque fois qu’un homme a fait triompher la dignité de l’esprit, chaque fois qu’un homme a dit non à une tentative d’asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte".
Emporté par la leucémie après avoir été traité en URSS et aux USA, il est inhumé au cimetière des martyrs d'Ain Kerma. Son œuvre a encore aujourd'hui une portée mondiale auprès de ceux qui luttent contre les racialisations et les aliénations.


Bibliographie 
Ouvrages de Frantz Fanon

  • Peau noire, masques blancs, éditions du Seuil, 1952. Version numérisée : cliquez-ici 
  • Les damnés de la terre, 1961, rééd. La Découverte 2002. Version numérisée : cliquez-ici  
  • Pour la révolution africaine, éd. Maspéro, 1964 rééd. 1979. Version numérisée : cliquez-ici 
  • L’an V de la révolution algérienne, 1959 réédité en 1966 sous le titre "Sociologie d’une révolution". Version numérisée : cliquez-ici 

Ouvrages et ressources sur Frantz Fanon
  • Alice Cherki, Frantz Fanon. Portrait, Seuil, 2000
  • David Macey, Frantz Fanon, une vie, la Découverte, 2011
  • Joby Fanon, Frantz Fanon. De la Martinique à l'Algérie et à l'Afrique, L'Harmattan, 2004.
  • Mathieu Anne, Frantz Fanon, La négritude et l'émancipation, Le Monde diplomatique, 3/2009 (n°660), p. 31-31.

Retrouvez sur Manioc

Bonne lecture ! 
A.S.

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2016/12/focus-frantz-fanon.html

jeudi 1 décembre 2016

Manioc : la barbe !

  Revue de barbes...


Avec le décès de Fidel Castro, c'est tout un pan de l'histoire de la pilosité dominante qui disparait. Symbole de sagesse chez les Grecs, signe de ralliement d'une certaine gauche au mitan du 19ème siècle, marque visible de dévotion au Prophète dans la tradition musulmane, la barbe est le média intemporel par excellence. En hommage à cet attribut singulier-masculin, Manioc vous propose trois des meilleures barbes disponibles dans ses collections.


In "Excursion dans l'Eldorado", 1904 

Contre toute apparence, cet homme n'est pas le frère jumeau du Lider Maximo posant au coeur de la Sierra Maestra avant la bataille. 

Il s'agit de l'explorateur français Lucien Morisse, médecin de son état, qui parcourut l'Amazonie pendant des années. 

Il en tira notamment un travail d'étude dont on ne sait quel usage en fut fait, publié en 1908 dans un rapport intitulé : " Recherches et expériences sur le caoutchouc. Le latex, son utilisation directe dans l'industrie"...








Ici, le style général est moins débraillé, la barbe en phase avec une conception plus assise de l'action publique. 

Voici Ernest Deproge (1850-1921), avocat et député de la Martinique, qui commença à l'extrême gauche puis devint une des figures de l'assimilationnisme...












L'homme représenté ci-dessous est dénommé prédestinément "Barbès", et il s'agit en effet du personnage ayant donné son nom a une fameuse et populaire artère parisienne, desservie par la station de métro du même nom. Là encore, que d'épaisseur historique dans cette démonstration de pilosité... Armand Barbès (avec l'accent svp), né à Pointe-à-Pître, fut une des figures de la gauche révolutionnaire aux côtés de Blanqui. En 1840, ses menées subversives le conduisirent à la déportation. Quelle barbe !


In "La Guadeloupe : leçons d'histoire locale"





POA


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mardi 22 novembre 2016

Un gazetier de Hollande...

" Un Gazetier de Hollande". Heurs et malheurs des journalistes sous tous les régimes...


Évidemment, un titre pareil ne peut que piquer la curiosité des lecteurs de Manioc. Quoi, la chronique politique du moment s'invite donc désormais dans les pages de ce blog ? Et c'est sans la moindre vergogne qu'on s'autorise à évoquer, au détour d'une image tendancieuse, les rapports entre les journalistes d'un quotidien du soir et un chef d'Etat en exercice à la verbosité incontrôlable...?

 

photo Manioc tirée de "Les bagnes : histoires, types, murs , mystères", 1845

Brisons là : vous n'y êtes pas du tout ! Le "Gazetier de Hollande", comme est titrée cette image, n'est pas une allégorie de "Un président ne devrait pas dire ça...", ce récent succès éditorial fracassant (2016), même si ici les bonnes manières apparentes et les hauts plafonds voûtés peuvent rappeler les connivences de palais entre puissants et faiseurs d'opinion...

La réalité est bien plus cruelle pour ce journaliste (gazetier, à l’époque) qu'on voit ici extrait d'un cachot situé dans la forteresse du Mont Saint-Michel. La scène, dit-on, se passe sous le règne de Louis XIV, et ce journaliste hollandais était l'auteur d'écrits politiques si impertinents et pleins d'esprit critique contre le roi de France que ce dernier, souverainement agacé, finit, au mépris des frontières, par le faire embastiller d'autorité dans ce charmant coin de Normandie. Le sort de cet infortuné est même comparé à celui du fameux homme au masque de fer, ce prisonnier jamais identifié, victime de l'absolutisme royal et de ses fameuses lettres de cachet.

L'histoire reçoit quelques précisions factuelles, rapportées dans "Les gazettes de Hollande et la presse clandestine aux 17è et 18è siècles" : cet homme, pamphlétaire de son état, a bien été capturé mais en 1745, sous Louis XV. Français publiant en Hollande, il connut effectivement les rigueurs du Mont Saint-Michel pour avoir commis des écrits déplaisant aux puissants. Dans l'un des ses livres, il ose ainsi affirmer : "On ne trouvera point chez [lui] cette basse partialité qui dégrade les ouvrages de ce genre." Un pamphlétaire ne devrait pas dire ça...

POA

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2016/11/le-gazetier-de-hollande.html

lundi 21 novembre 2016

L'aventurier François-Joseph Laveau

L'aventurier de la Guyane



Cette année, Manioc vous propose tous les mois le portrait d'un explorateur. Pour ce deuxième numéro, nous avons choisi de vous faire découvrir l'aventurier : François-Joseph Laveau. 


Portrait de
François-Joseph Laveau
Passionné par les voyages, le jeune François-Joseph Laveau monte à Paris pour rencontrer le célèbre explorateur Henri Coudreau, dans le but d'intégrer sa prochaine expédition. Ainsi, il embarque pour un voyage de quatre ans en Guyane. Ces années lui permettront de s’aguerrir et de se faire connaitre dans le milieu de l'exploration.
De retour à Paris, le Jardin zoologique d'acclimatation lui propose de ramener des "Indiens Caraïbes" dans le but d'être montré au public lors des "exhibitions ethnographiques". Il repart donc en Guyane, mais il tombe malade et renonce à remonter le Maroni. Il décide alors de recruter des Galibis [Kali'na] et des Arawaks [Lokono] dans les villages alentour. Ainsi une trentaine de personnes (hommes, femmes et enfants) embarquent pour Paris. A leurs arrivées, ils sont parqués dans un enclos. Durant les visites, ils sont contraints de se donner en spectacle. Les mauvaises conditions d'hygiène les affaiblissent, certains tombent malades et d'autres décèdent sur place. La décision est alors prise de les renvoyer en Guyane. En dépit de cet échec, les deux voyages vers la Guyane confortent Labeau : son avenir est là-bas. Fini la vie parisienne, il rêve d'aventures et de faire fortune. 

De retour en Guyane, François-Joseph Laveau ouvre un bazar. Mais il fait faillite, et rentre en France avec femme et enfants. Là-bas, il devient tenancier d'hôtel à Vienne puis à Macon. Mais l'appel de l'or est plus fort. Il retourne dès 1905 à Saint-Laurent en laissant sa famille pour y ouvrir une gargote. 

En 1910, Laveau quitte son commerce pour regagner Paris en faisant des petits boulots. Mais rien n'entrave son rêve de devenir un grand explorateur. C'est ainsi qu'il propose d'organiser une grande mission d'études économiques et géographiques sur le Haut-Maroni auprès de plusieurs ministères. Seul, le Ministère des Colonies lui verse une aide de 3000 francs en 1911. Mais la mission de Laveau est repoussée à plusieurs reprises en 1911 et 1912. Alerté, le Ministère des Colonies ouvre un enquête et constate les mensonges apporté par Laveau lors de la présentation de son projet : il n'est "ni membre fondateur", ni "Lauréat de la Société de Géographie" comme il le prétendait. Ajoutons à cela le portrait peu flatteur que dresse la veuve d'Henri Coudreau. Le Ministère annule donc sa mission en mars 1913 et demande le remboursement intégrale de la somme perçue.

Malgré les recherches de la police, aucun signe de vie de l'explorateur. Il s'était déjà embarqué à bord du paquebot Venezuela en route vers la Guyane, accompagné par son fils et deux anciens militaires :  Louis Doreau et Bournac.
En septembre 1914, une mission Laveau quitte Saint-Laurent en direction des monts Tumuc-Humac. Une mission de deux ans qui se termine tragiquement. En effet, l'équipe perd tout d'abord Doreau emporté par la maladie, et en mai 1915, la pirogue ramenant une partie de l'équipe se renverse. Laveau perd son fils, ses collections, ses notes, ses relevés et l'or récolté. Il est rapatrié à Paris aux frais du Ministère des Colonies. Notons que son voyage sera retranscrit par Gilles Normand dans son ouvrage : Au pays de l'or.
Malgré son humiliation par l'Office colonial, on retrouve les traces de François-Joseph Laveau à Saint-Laurent vers les années 1920, sans-doute pour une nouvelle expédition. Mais, il rentre à Paris, sans le moindre sou et travaille comme employé de commerce. Il décède le 8 avril 1929. 

Retrouvez sur notre blog, les articles sur la thématique des explorations :


Bonne Lecture !
C.P.
 
Cet article a été rédigé à partir des documents suivants :
 

François Laveau, aventurier au Maroni - 2015 - G. Collomb et A. Heuret – Une Saison en Guyane – HS spécial « Histoire de Saint-Laurent-du-Maroni » - https://issuu.com/unesaisonenguyane/docs/hs03_issue2/10

En mode mineur… François Laveau, explorateur au Maroni (1887-1928) - 2014 - G. Collomb et A. Heuret – Outre-mers, tome 101, pp. 301-305.

 


Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2016/11/laventurier-francois-joseph-laveau.html

jeudi 10 novembre 2016

Armistice : guerre et paix...


Le 11 novembre est la date commémorant l'armistice de 1918, mettant fin aux combats de la Première Guerre mondiale et accordant un répit de vingt ans à la planète avant le déferlement de la boucherie suivante.

Depuis l'élection du nouveau président américain, certains -allez savoir pourquoi-, se prennent même à évoquer l'hypothèse d'un troisième conflit de mêmes dimensions...A l'adresse de ces incurables défaitistes, Manioc propose en cette veille d'Armistice quelques clins d'œil empreints d'humanité et de fraternité- sans oublier les souvenirs pénibles...

 

Avouons d'emblée notre préférence pour cette scène illustrant l'entente cordiale entre civils et militaires, même si l'arrière-plan ne laisse aucun doute :  ce théâtre n'est pas celui de la Grande Guerre ; il s'agit ici d'un officier militaire ému à l'extrême en reconnaissant un de ses anciens soldats parmi les forçats... (Les bagnes : histoires, mœurs, mystères, 1845)

 


Ce corps-à-corps carcéral n'est pas sans rappeler cette autre relation  fusionnelle entre frères d'armes. Côte à côte, le commandant  Marchand  et le capitaine Baratier en totale harmonie à l'époque des différentes expéditions et missions d'exploration coloniales en Afrique.  Le second est d'ailleurs mort pour la France en 1917 (Histoire des coloniesfrançaises, 1931).










C’est ici l’occasion de convoquer également le souvenir du commandant Mortenol, ancien élève de l'Ecole polytechnique. Comme officier supérieur, ce natif de Guadeloupe prit une part active à la défense antiaérienne de Paris en 1915. Les biographies les plus exhaustives le concernant précisent également qu’il  participa à plusieurs reprises aux campagnes de guerre menées par la France sous la 3ème République dans le cadre de sa politique coloniale, notamment à Madagascar auprès du "pacificateur" Gallieni (image tirée de Contribution de la Guadeloupe à la pensée française, 1936)...


Mais au-delà de l'émotion et des passions mal contrôlées, laissons la parole aux spécialistes...A l’occasion d’une conférence donnée à la BU Martinique en 2016, l’historienne Sabine Andrivon-Milton est revenue sur le cas de ces soldats antillo-guyanais de la Grande Guerre. Regardez la vidéo. !

POA

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2016/11/armistice-guerre-et-paix.html