Histoire et légendes des gens de mer dans les collections de Manioc
S'ils ont sillonné les mers et océans du monde depuis des millénaires, les "gens de mer" ont joué un rôle de premier plan, du XVIe siècle au XIXe siècle dans la Caraïbe. Souvent confondus dans la catégorie de "pirates" qui a inspiré les auteurs de littérature, de films ou encore plus récemment l'univers des jeux vidéos, ils sont flibustiers, corsaires, boucaniers ou forbans... Manioc vous propose quelques éclairages et un parcours dans ses riches collections.
Qui sont-ils.elles ?
Marie Read Source : Les frères de La Coste, Flibustiers et Corsaires (p. 41) |
Dès après les débuts de la traite transatlantique, on retrouvera également sur les équipages des "Marrons", Africains déportés en esclavage dans la Caraïbe qui ont fui les plantations ou ont pu survivre à des naufrages près des côtes. La présence sporadique d'Amérindiens apparaît dans les documents historiques.
Quelques très rares femmes marquent l'histoire de la piraterie dans la Caraïbe telles que Marie Read, Anne Bonnie ou encore Anne Dieu-le-veut et Jacquotte Delahaye dont les étonnants destins mériteraient d'être explorés... Certaines se sont fait passer pour des hommes, d'autres ont pu être admises sans travestissement.
Flibustiers, corsaire, boucaniers, forbans, pirates, quelles différences ?
Ces termes reflètent des distinctions importantes, mais des réalités qui rendent les frontières poreuses dans la Caraïbe ; d'une part les définitions et usages ont pu changer au cours du temps, d'autre part nombreux sont les gens de mer qui ont pratiqué plusieurs activités ou changé de statut au cours de leur vie.
La vie des corsaires. - La prise d'un cutter Source : Les frères de La Coste, Flibustiers et Corsaires (p. 310) |
Ceux qui disposent d'une lettre de marque et sont autorisés à attaquer en temps de guerre sont appelés "Corsaire". L'activité est réglementée, tant pour ce qui concerne le déroulement des combats que le statut des prisonniers, jusqu'au partage des prises dont une part est réservée au roi. Flibustier est parfois employé comme synonyme de corsaire probablement du fait des activités au statut multiple de certains marins. Les flibustiers français s'attaquaient généralement aux bateaux qui n'étaient pas de leur nation, particulièrement les Espagnols. Ils agissaient parfois pour leur compte, parfois comme corsaires. Qu'ils soient alors mandatés ou non, leurs attaques ont longtemps servi les intérêts de l'Etat affaiblissant les flottes ennemies.
Selon Caroline Laurent [1] : "Les flibustiers se métamorphosent ainsi en véritables bras armés des puissances européennes (particulièrement britannique, espagnole et française) dans cette zone caribéenne qui est considérée comme terra nullius, “territoire sans maître”, jusqu’au XVIIIe siècle, temps de la mainmise effective des empires sur le bassin caribéen."
Portrait de François l'Olonnais
Source : Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique
Parmi les flibustiers, certains abandonnèrent la mer définitivement -rapidement ou après une longue carrière- pour exploiter la terre "les habitants" (d'où provient le terme "habitation"). On nomma "Boucaniers" ceux qui profitant du fait que les Espagnols avaient fait venir du gibier sur ces terres, vivaient ensemble de la chasse et de la fabrication de produits à partir du cuir. Boucaniers viendrait du terme amérindien "boucan" qui désignerait une technique de cuisson fumée*. Certains furent tour à tour au grès de leurs destins, flibustiers et boucaniers avant de s'installer comme habitants. Ces trois catégories se côtoyaient et se retrouvaient dans des lieux considérés comme bases de la flibuste, à l'instar de l'île de la tortue à Saint Domingue, (aujourd'hui Haïti), repère devenu légendaire.
Ce n'est qu'à la fin du XVIIe siècle que poindront les premières politiques pour faire cesser les activités non réglementées dont les acteurs seront perçus comme hors-la-loi, "forbans", "pirates". Le commerce des esclaves devient également bien plus rentable que les autres opérations jusqu'alors menées par les flibustiers.
« Au XVIIIe l’Amirauté royale cherche à faire disparaître la flibuste. Le ministre de la Marine fit publier une ordonnance royale, datée du 5 septembre 1718, accordant amnistie pleine et entière aux « forbans » qui se rendraient en France pour vivre en honnêtes bourgeois. » (Besson, p. 28) [2]
D'autres initiatives furent prises pour les inciter à s'installer sur les terres des colonies de la Caraïbe tels que les envois massifs de femmes :
« Au fur et à mesure que les Antilles se peuplèrent d'habitants, les boucaniers et les flibustiers disparurent ; certains de leurs capitaines se firent ermites, abandonnant la Coutume de la Côte pour se faire chefs des différents quartiers de Saint-Domingue ; ce fut l’art du gouverneur Jean Baptiste Ducasse d’opérer ces transformations » (Besson, p. 22) [3]
« Pour transformer les intrépides conquérants de Saint-Domingue, narre M. de La Vaissière dans son ouvrage sur cette colonie perdue, le gouverneur Ogeron invoqua le secours d’un sexe puissant qui sait pourtant calmer l’humeur et augmenter le penchant pour la sociabilité. Ogeron et Ducasse firent, en effet, venir de France, d’humbles orphelines pour soumettre ces êtres orgueilleux accoutumés à la révolte et pour les changer en époux sensibles, en pères de famille vertueux. » (Besson, p.22-23 ) [3]
Sélection de documents historiques sur l'histoire des flibustiers
Drapeau à tête de mort, surnoms de capitaines comme "Monbars l'exterminateur" et noms de bateaux tels le "Sans Pitié" ou le "Sans quartier" destinés à effrayer l'adversaire, organisation et règles spécifiques de type confrérie à l'instar des "Frères de la côte"... ; tout ceci n'est pas sorti de l'imaginaire des écrivain.es, auteur.es de BD, réalisateur.trices mais bel et bien des sources qui les ont inspirées.
Pavillons et flame du navire forban nommé le Sanpitié Source : Les frères de La Coste, Flibustiers et Corsaires (p. 236) |
SI vous souhaitez en connaître davantage sur les flibustiers et autres gens de mer célèbres, sur leurs pratiques, codes et règles, Manioc vous propose de lire l'ouvrage de Maurice Besson sur les frères de la côte [3]. C'est un ouvrage facile d'accès, qui se lit comme un roman tout en s'appuyant sur une documentation fournie. L'auteur y narre les coutumes de la flibuste et dresse la biographie des plus célèbres de ces hommes et femmes qui ont sillonné la Caraïbe pendant plusieurs siècles.
*Manioc enquêtera prochainement sur l'origine du terme "Boucan" car il semblerait que l'origine amérindienne du terme soit une erreur largement véhiculée, à suivre...
*Manioc enquêtera prochainement sur l'origine du terme "Boucan" car il semblerait que l'origine amérindienne du terme soit une erreur largement véhiculée, à suivre...
Documents cités
- [1] "Le Pirate, acteur interstitiel de la colonisation européenne dans les Caraïbes (XVIe-XVIIIe siècles)", Caroline Laurent, Diacronie, n°13, 2013.
- [2] Vieux papiers du temps des isles, Maurice Besson, Paris, Société d'éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1925. Collection : Réseau des bibliothèques de la Ville de Pointe-à-Pitre.
- [3] Les frères de la Coste, flibustiers et corsaires, Maurice Besson, Paris, Editions Duchartres & Van Buggenhoudt, 1928. Collection : Fondation Clément.
- [4] The buccaneers and marooners of America : being an account of the famous adventures and daring deeds of certain notorious freebooters of the Spanish main, Alexandre-Olivier Exquemelin ; Auteurs secondaires : Howard Pyle, Charles Johnson, London, T. Fisher Unwin, 1891.Collection : Archives territoriales de Guyane
- [5] Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique, Alexandre-Olivier Exquemelin, Paris, Du Carrefour, 1930.
- [6] Relation d'un voyage infortuné fait aux Indes Occidentales par le capitaine Fleury. Avec la description de quelques Isles quon y rencontre [manuscrit connu sous le nom L'Anonyme de Carpentras], 1620. Collection : Bibliothèque de Carpentras.
- [7] Journal du voyage fait à la mer de sud avec les flibustiers de l'Amérique, Jacques Raveneau de Lussan, Paris, chez Jacques Le Febvre, 1705. Collection : Communauté d'agglomération de La Rochelle. Médiathèque Michel-Crépeau.
- [8] La tragique histoire des flibustiers : histoire de Saint-Domingue et de l'île de la Tortue, repaires des flibustiers, écrite vers 1715, Jean-Baptiste Le Pers, Paris, G. Crès 19??. Collection : Collectivité territoriale de Martinique. Bibliothèque Schoelcher.
Plusieurs centaines d'ouvrages anciens dans Manioc traitent de la flibuste, rendez-vous sur http://manioc.org pour poursuivre vos recherches !
AP