samedi 28 novembre 2020

De la Monarchie Constitutionnelle à la République : mise en place d’une nouvelle forme de gouvernement à la Barbade

Une séparation de la Couronne britannique

Longtemps colonisée par l’Angleterre, l’île de la Barbade fait partie des Etats souverains ayant choisi de maintenir des relations de proximité particulières avec le Royaume-Uni par le biais du Commonwealth. En effet, des 53 pays formant cette organisation, la Barbade compte parmi les 16 Monarchies dont le monarque est la reine Elisabeth II. Toutefois, aujourd’hui cette forme de gouvernement est remise en question par les Barbadiens eux-mêmes.


La colonisation britannique en héritage 

Située dans la mer des Caraïbes non loin de Sainte-Lucie, la Barbade est une île orientale des Petites Antilles d’une superficie de 430 km² qui comporte 287 000 habitants. Les premiers peuples autochtones de ce territoire caribéen ont d’abord été les Arawaks qui ont par la suite été envahis par les Kalinagos (anciennement les Caraïbes), ce qui a conduit au décroissement des premiers. En 1536, les Portugais faisant route vers le Brésil sont les premiers européens à s’y rendre. Le navigateur Pedro A. Campos baptise l’île « Os Barbados » – les barbus – en hommage aux figuiers présents sur l'île et dont le feuillage rappelle une barbe. En 1625, les Anglais débarquent à leur tour. L’île étant quasiment inhabitée, ils en prennent possession au nom du roi et établissent à Holetown la première colonie anglaise. Des terrains sont attribués à de riches Anglais pour en faire des plantations. À ce titre, le tabac et le coton sont les premiers types de culture. Mais en 1630, la canne à sucre est introduite à la Barbade. Cette dernière exige un gros investissement et une main d’œuvre importante, ce qui conduit à la transportation d’esclaves africains pour exploiter les plantations. Après environ deux siècles d’exploitation des noirs d’Afrique, l’esclavage est aboli en 1834 à la Barbade. Le pays est resté une colonie britannique jusqu’en 1966 et est devenu officiellement un membre indépendant du Commonwealth le 30 novembre 1966. 


Le règne d'un monarque essentiellement symbolique mais pesant 

En accédant à leur indépendance, les barbadiens ont choisi d’adopter la Monarchie comme forme de gouvernement. À ce titre, même si ce territoire insulaire est bel et bien gouverné par un Premier ministre ayant la nationalité barbadienne, le Chef de l’Etat demeure le souverain du Royaume-Uni – et ce même s’il exerce une autorité symbolique. En effet, l’article 63 de la Constitution barbadienne de 1966 confère l’autorité du pouvoir exécutif à Sa Majesté la reine Elisabeth II représentée par un Gouverneur Général. En réalité, celle-ci est la titulaire nominale de ce pouvoir car la Constitution précise que le Cabinet ministériel dirigé par le Premier ministre est le principal instrument de la politique du pays : il est chargé de la direction générale et du contrôle du gouvernement de la Barbade. En d’autres termes, la reine règne mais ne gouverne pas. Ses attributions relèvent d’une compétence purement juridique. Son représentant ne peut en aucun cas exercer des pouvoirs politiques.

Néanmoins, cette compétence juridique dont le souverain est attributaire, a une valeur considérable dans la vie nationale. En effet, le Gouverneur Général, - son représentant - est entre autres chargé de la nomination du Premier ministre, des membres du cabinet ministériel et de certains fonctionnaires. C’est en ce sens que de nombreux employés de la Couronne sont tenus par la loi de réciter un serment d'allégeance à la monarque avant de prendre leurs fonctions. Par exemple, le serment exigé par le directeur des poursuites pénales est le suivant : « Je, [nom], jure que je servirai bel et bien Sa Majesté la reine Elizabeth II, ses héritiers et successeurs, au bureau du directeur des poursuites pénales. Alors que Dieu me vienne en aide ». Par ailleurs, le Gouverneur assure la conduite des élections législatives et peut les convoquer de manière anticipée en cas de dissolution du Parlement par lui-même.

Fort de toutes ces prérogatives constitutionnelles accordées à la reine, on pourrait déduire que même en accédant à l’indépendance, le peuple barbadien a fait preuve de loyauté envers la Couronne britannique. Toutefois, à l’instar de la plupart des Etats faisant partie du Commonwealth, la Barbade semble aspirer à devenir une République.

 

Vers l’établissement d’une République de Barbade

Le projet de transformer l’île en une République avait souvent été évoqué mais n’avait jamais pu aboutir. La question a été soulevée pour la première fois, à la fin des années 70. En 1979, une commission d'enquête a été constituée et chargée d'étudier la faisabilité de l'introduction d'un système républicain. Celle-ci est parvenue à la conclusion que les Barbadiens préféraient maintenir la monarchie constitutionnelle. Il faut noter que pour modifier la Constitution de la Barbade, il faut une majorité des deux tiers des sièges au sein du Parlement.

Après l’échec d’autres tentatives gouvernementales dans les années 1990 et 2000, Mia Mottley, actuelle Première ministre de la Barbade et son parti, le DLP, Parti Travailliste Démocratique, ont pu conquérir ces sièges aux élections de 2018. Bénéficiant d’une majorité parlementaire, le gouvernement barbadien est donc désormais en mesure de changer la Constitution pour que la Barbade devienne une République. Le 15 septembre 2020, dans son discours du Trône marquant l'ouverture du Parlement, Sandra Mason, gouverneur général, a déclaré : « Il est temps de laisser notre passé colonial derrière nous. Les barbadiens veulent d'un chef d’état issu du pays ». À cet effet, Madame Mottley et son gouvernement prévoient de rendre effectif le passage à la République en novembre 2021 pour le 55ème anniversaire de l’indépendance de la Barbade.

Le 30 novembre 2021, le peuple barbadien devrait donc avoir un président de la République en lieu et place d’un monarque. Cette grande preuve de souveraineté de la Barbade la poussera-t-elle également à l’avenir à se retirer du Commonwealth ? Seul l’avenir nous le dira.


Sources bibliographiques :   

Voyage au pays du cacao et du sucre de canne, Th. Dufau. Paris : Hachette, 1906. Provenance : Archives départementales de Guadeloupe. Disponible en ligne sur Manioc : http://www.manioc.org/patrimon/ADG18152

Souvenirs de Voyage aux Antilles et Guyanes, André Questel (1869-1931). Paris, Imprimerie Pradier, 1919. Provenance : Archives départementales de Guadeloupe. Disponible en ligne sur Manioc : http://www.manioc.org/patrimon/ADG18191 

Nouveau voyage aux isles de l'Amérique, contenant l'histoire naturelle de ces pays, Jean-Baptiste Labat (1663-1738). Paris, Chez Guillaume Cavelier père, 1742. Provenance : Archives départementales de Guadeloupe. Disponible en ligne sur Manioc : http://www.manioc.org/patrimon/ADG1703 

Présentation de la Barbade [en ligne]. France Diplomatie [consulté le 23 novembre 2020]. https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/barbade/presentation-de-la-barbade/

La Barbade dit « goodbye » à Elizabeth II et va devenir une république [en ligne]. Le Point [consulté le 25 novembre 2020]. https://www.lepoint.fr/monde/la-barbade-dit-goodbye-a-elizabeth-ii-et-va-devenir-une-republique-16-09-2020-2392295_24.php

La Reine Elizabeth bientôt détrônée comme chef d'Etat de Barbade [en ligne]. Franceinfo [consulté le 26 novembre 2020]. https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/la-reine-elizabeth-bientot-detronee-comme-chef-d-etat-de-barbade-871798.html

 

Illustrations : 

Carte de la Barbade. Extrait de : Les Petites Antilles : étude sur leur évolution économique. Disponible en ligne sur Manioc : http://www.manioc.org/images/PAP110990069i1


SC


Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2020/11/de-la-monarchie-constitutionnelle-la.html

mardi 24 novembre 2020

Les féminismes postcoloniaux à l'honneur : le séminaire FEMPOCO

Lancé en 2018, FEMPOCO est un séminaire de recherche pluridisciplinaire qui vise à étudier et faire connaître les textes fondamentaux des féminismes postcoloniaux et des productions culturelles et artistiques emblématiques de ces mouvements. Ce séminaire prévoit entre 5 à 8 séances de travail par an et se déroule sur le campus de la jeune et nouvelle Université de Guyane.

 


 

Ce séminaire organisé dans le cadre du laboratoire MINEA a pour vocation d’être un lieu de rencontre et d’échanges permettant sur le long terme une recherche approfondie en Guyane sur les pensées du féminisme. Le féminisme est un sujet d’actualité brûlant puisque partout, les droits des femmes continuent d’être bafoués, et que face à cette menace et aux violences commises, les femmes décident de lutter. Nous assistons ainsi à un renouveau du féminisme, et les débats sur ce sujet se multiplient, y compris en Guyane. 

Notre intérêt pour les féminismes postcoloniaux vient de ce que ces féminismes intègrent une critique des luttes féministes qui ont eu pour effet d’exclure des hommes et des femmes, sur la base de la race ou de la classe. En effet, le féminisme occidental a parfois produit ou reproduit des discriminations visant les minorités et les groupes économiquement défavorisés. Les féminismes postcoloniaux interrogent le genre, le passé colonial et les rapports de force économiques. Ils tendent à renverser la relation centre-périphérie en réinstaurant « les marges » comme centre et en « provincialisant l’Europe » selon l’expression fameuse de l’historien Dipesh Chakrabarty. 

 

Tina Harpin, Ahmed Mulla (Université de Guyane, séminaire FEMPOCO)

 

Pour en savoir plus sur le travail du séminaire FEMPOCO, vous pouvez visionner les conférences suivantes : 

Les références complètes sont disponibles en cliquant sur le lien de chaque vidéo

 

http://www.manioc.org/fichiers/V20141

http://www.manioc.org/fichiers/V20140

http://www.manioc.org/fichiers/V20142


Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2020/11/les-feminismes-postcoloniaux-lhonneur.html