mardi 31 janvier 2012

Science, conscience...

Journalisme VS Rigueur scientifique ?



Allant souvent de pair avec l’ethnocentrisme qui guidait fortement les voyageurs, scientifiques, missionnaires ou administrateurs décrivant ou dirigeant les territoires « nouveaux », le sensationnalisme est l’autre tendance vers laquelle un certain regard, sous couvert de vérité objective, se laissait glisser volontiers.


Aussi ancien que le métier de journaliste lui-même, le journalisme à sensation renvoie aux controverses que ne cesse et ne cessera de soulever la question de l’objectivité appliquée à l’exercice de cette profession. En contrepoint, cette façon douteuse d’informer l’opinion (« Le journalisme est l’art de l’éphémère et du volatil ») souligne - plus encore à l’ère des nouveaux médias- la nécessité des impératifs de la recherche historique et de la rigueur scientifique.

Pour illustrer les deux volets de ce propos, et fidèle à l'esprit scientifique qui caractérise sa démarche, Manioc est heureux de vous présenter La catastrophe de la Martinique : notes d'un reporter (1902)

Dans la veine des grands reporters-justiciers de ce début de siècle, Jean Hess enquête, relate, rapporte, mais aussi interpelle les autorités de l’époque, accusées de s’être montrées ignorantes d’un danger qu’elles avaient le devoir de prévoir, préoccupées qu’elles étaient avant tout de soucis électoraux immédiats : obéissant à Paris, le gouverneur Mouttet « reçut l’ordre de garder les électeurs à Saint-Pierre afin d’assurer l’élection du 11 mai [scrutin législatif] ».
Réalisé –si l’on ose écrire- dans le feu de l’action et des évènements, ce travail d’enquête, convoquant les témoignages de ceux « qui se trouvaient aux limites du phénomène destructeur, sur mer ou sur terre » et les observations de médecins, savants, officiers, ingénieurs, prétend à une dimension documentaire et scientifique que les recherches futures démentiront largement.

Les premières chartes et divers textes professionnels sur les devoirs déontologiques du journaliste datent, en France,de 1918, soit quelques années après ce reportage : dommage !

Dans la préface de « Le désastre de 1902 à la Martinique : l’éruption de la Montagne Pelée et et ses conséquences », les historiens Lucien Abenon et Jean Ganiage évoquent sans le nommer « un journaliste parisien amateur de scandales et de nouvelles à sensation » ! Version éditée de la thèse de Léo Ursulet, cet ouvrage « fait justice de la légende noire d'un gouverneur agissant sur ordre et interdisant l'évacuation d'une ville où il aurait péri lui-même, victime de ses erreurs... »*



*Chapitre 3 : La controverse politique autour du désastre
*Chapitre 4 : La question des responsabilités au sujet du désastre

Voir aussi : Saint-Pierre : mythes et réalités de la cité créole disparue, sous la direction de Léo Ursulet, Ibis rouge, 2004. (Actes de colloque)

Ouvrages dispobibles à la BU Antilles-Guyane !

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2012/01/science-conscience.html