lundi 15 juillet 2019

La Guyane et la Révolution française #3 Les 328 déportés politiques du 18 fructidor de l'an V (1797)

L'expérience de la "guillotine sèche"

Carte de la Guiane française et hollandaise
et carte de l'embouchure de la rivière Sinamary
1789-1799, la Révolution française marque un tournant de l'histoire bien au-delà du royaume de France. Dans les colonies, l'organisation de la société autour de l'esclavage et du préjugé de couleur amène à penser différemment l'application des principes de liberté et d'égalité. Des mouvements insurrectionnels contribuent à la première déclaration de l’abolition de l'esclavage en 1794 et à l'installation pas toujours facile de nouvelles institutions. Mais cette période se caractérise aussi par une politique de répression en France qui conduit à la déportation des plus violents révolutionnaires de l'an III comme de leurs principaux opposants (les "royalistes" et prêtres réfractaires) de l'an V en Guyane. 
Dans ce troisième et dernier épisode, Manioc s'intéresse aux déportés politiques du 18 fructidor de l'an V (1797).

Dans un contexte d'affrontement entre révolutionnaires plus ou moins modérés, Barras, La Révellière et Reubell, trois des cinq directeurs du Directoire, soutenus par l'armée, destituèrent les 2 autres directeurs et firent procéder à l'arrestation des députés réputés royalistes : c'est le coup d'État du 18 fructidor an V (le 4 septembre 1797).  Ces députés furent déportés sans jugement immédiat en Guyane, leur élection fut déclarée nulle. Mais, en l'espace de quelques mois, outre les députés, plus de 300 rédacteurs, hommes politiques, ecclésiastiques... furent aussi arrêtés et déportés vers Conanama et Sinnamary en Guyane. L'un d'eux, Tronson du Coudray, parlait de la déportation à la Guyane comme d'une "guillotine sèche" pour évoquer cette manière que le Directoire avait trouvée de se débarrasser de ses adversaires sans faire couler le sang sur l’échafaud.

Trois navires furent assignés au transport des déportés. Le 12 novembre 1797, la corvette La Vaillante débarquait 16 déportés. Parmi eux plusieurs publièrent des récits de leur déportation : Ramel en 1799, Isaac-Etienne de La Rue en 1821,  Barbé de Marbois en 1835, André Daniel Laffon de Ladébat en 1912 (publication posthume). 

Dans le courant de juin 1798, La Décade arrivait avec 193 nouveaux déportés, transportant notamment Jean-Jacques Aymé et Louis-Ange Pitou. En septembre de la même année, La Bayonnaise suivait avec 119 déportés supplémentaires, dont monseigneur Brumauld de Beauregard. Le total des déportés du 18 fructidor s'élevait ainsi à 328 personnes. Le bilan de ces déportations fut lourd : entre les décès liés à la traversée et ceux qui ont lieu en Guyane, seuls 133 survivants furent rappelés en France, en 1800, suite au changement de régime politique.

Les témoins parmi les 16 premiers déportés de 1797

L’adjudant-général Jean-Pierre Ramel, commandant de la garde du corps législatif  de la République française, compte parmi les 16 premiers déportés. Dès 1799, il publie depuis Londres son journal sur les faits relatifs à cette journée, sur le transport, le séjour et l'évasion de quelques uns des déportés : avec des détails circonstanciés de la fin terrible du général Murinais, de Tronçon-Ducoudray, Lafond-Ladebat, etc. Il existe aussi une seconde édition du récit accompagnée d'autres textes, publiée en 1887.
Jean-Pierre Ramel y raconte son emprisonnement en France puis les 50 jours de traversée en bateau jusqu'à sa destination finale, Cayenne. Après quelques jours dans la petite ville, il est emmené avec les 16 autres prisonniers vers Sinnamary dont il décrit les difficiles conditions de survie. En juin 1798, peu avant l'arrivée des nouveaux prisonniers, il s'évade entre autres avec de La Rue vers Paramaribo, puis il rejoint Londres d'où il fait paraître son journal. Bonaparte lui donne plus tard la permission de rentrer en France.
En 1799, un autre opus contenant des lettres est présenté comme une suite à son récit et publié en Anglais : Secret anecdotes of the revolution of the 18th fructidor...


Quelques années plus tard, en 1821, c'est l'ancien député, contre révolutionnaire, Isaac-Etienne de La Rue qui publie une Histoire du dix-huit fructidor ou Mémoires contenant la vérité sur les divers Evènements qui se rattachent à cette conjuration : précédés du tableau des factions qui déchirent la France depuis quarante ans, et terminés par quelques détails sur la Guyane considérées comme colonie... Celui-ci s'était évadé de Guyane en juin 1798 avec Ramel avant de retourner en France. 
Dès l'avant-propos de ses mémoires, il affirme que les relations de Ramel contiennent "tant d'erreurs, tant de fausses inculpations, que je n'ai pas cru pouvoir me dispenser de rectifier les plus graves." (p. ix). C'est donc un autre regard sur ce temps de déportation des députés à la Guyane; de leur évasion et de leur retour en Europe que l'on peut découvrir dans la seconde partie de son livre (à partir de la page 321). On notera aussi qu'il évoque un temps de rencontre avec des Amérindiens, selon sa vision (à partir de la page 386).

Puis en 1835, c'est au tour de François Barbé de Marbois de faire paraître un Journal d'un déporté non jugé, ou Déportation en violation des lois, décrétée le 18 fructidor an V (4 septembre 1797Déporté dans le premier convoi, il n'avait pas souhaité participer au plan d'évasion de Ramel et de de La Rue, pour principe de son innocence et pour éviter des soucis à sa famille. Marbois écrit d'ailleurs qu'il se considère comme relégué et non déporté en vertu de l'absence de jugement (p. 233). On remarquera qu'il relate la fuite des déportés bien que cela ne puisse pas être le fait de son observation. 
Là où Ramel et de La Rue partageaient une sorte de souvenirs amers de leur déportation en en peignant le tableau le plus sombre possible, Marbois s'intéressa davantage à montrer sa vie sur place et la manière dont lui et ses compagnons d'infortune avaient occupé leur temps dans cet exil forcé. Dans son ouvrage, c'est à partir du chapitre 5 (p. 115) qu'il évoque son arrivée à Cayenne. Il livre une description du bourg de Sinnamary (p. 133), explique les difficultés à se sustenter (p. 173). Il consacre plusieurs pages aux Amérindiens qu'il juge à l'aune de sa religion et de sa culture tout en leur reconnaissant des qualités et en cherchant à s'instruire (chapitre 7). Il prend aussi le temps de disserter sur les arbres, les fruits et les épices du pays, le sol et le climat (chapitre 9)... Marbois n'ayant pas participé à l'évasion de juin 1798, il assiste à l'arrivée des quelque 300 autres déportés. Le second volume s'ouvre ainsi sur le débarquement des 193 passagers forcés de La Décade le 10 juin 1798 (22 prairial en 6) à Cayenne. Il évoque le décès d'une partie des nouveaux venus envoyés à Conanama, dans un lieu encore plus retiré que le sien. Devant l'hécatombe qui en résulte, ces nouveaux déportés sont installés à Sinnamary.
Marbois, diplomate et homme politique, député sous la Révolution, rentra en France en 1800 et retourna à la vie politique. 


Il n'en fut pas de même pour André-Daniel Laffon de Ladébat, financier, homme politique, abolitionniste, député et président du conseil des anciens,  lui aussi déporté sans jugement, gracié et rentré en France en 1800, mais qui ne put poursuivre une carrière politique. 
André-Daniel Laffon de Ladébat offre le dernier témoignage des 16 premiers déportés. Son Journal de ma déportation à la Guyane française (fructidor an V - Ventôse an VIII) : publié d'après les manuscrits inédits fut publié en 1912. De tous les témoignages c'est son récit qui s'apparente le plus à un journal écrit au jour le jour, dans lequel des petits détails s'accumulent au fil des mois tels des éphémérides : tels voisins visités, tels poissons servis au repas du soir, telles plantes mises à pousser, les difficultés d’acclimatations, la pluie, l'humidité, les maladies... Laffon de Ladébat lit des livres, discute politique, décrit les plantes, parle des nouvelles qu'il reçoit. Il évoque aussi les Amérindiens ou les nègres marrons.

Les témoins parmi les déportés de 1798


Trois autres témoignages, cette fois des déportés de 1798, sont conservés dans les collections numériques de Manioc.org. Parmi eux, il y a Jean-Jacques Aymé, député, qui, quand il débarque à Cayenne, apprend la nouvelle de l'évasion réalisée 3 jours plus tôt par 8 des déportés précédents. Il fait de même en 1799 et survit à son naufrage sur les côtes de l'Ecosse. Son récit est publié en 1800 sous le titre Déportation et naufrage de J.-J. Aymé, ex-législateur, suivis du Tableau de vie et de mort des déportés, à son départ de la Guyane, avec quelques observations sur cette colonie et sur les nègres
Après le récit de son voyage difficile à bord de la frégate La Décade (à partir de la page 78), il raconte le débarquement à Cayenne (page 98 et suivantes), puis la tentative d'implanter certains déportés à Conanama pour développer la colonisation en ce lieu (particulièrement pp. 113-139). Il propose à la fin de son ouvrage une liste alphabétique des déportés avec leur âge, qualité, domicile, département et leur situation d'évadés ou leur mort suite à la déportation. (après la page 268)

En 1805, c'est le chansonnier Louis-Ange Pitou qui publie son "Voyage à Cayenne... Plus que le récit partial, on retiendra de ce fervent royaliste les listes nominatives qu'il propose dans le tome II. Il donne par exemple la liste des 66 "morts à Konanama" du 15 août au 25 novembre 1798 (p. 115). Il en établit une autre pour les "déportés morts à Synnamary" (p. 139) dans laquelle il recense 87 décès sans compter les 9 morts en mer. Plus loin, on trouve encore une liste de "morts à Cayenne et dans les cantons" (p. 309) dans laquelle il donne non seulement les noms, mais aussi diverses informations qu'il possède sur le déporté tel un lieu de naissance, un âge, le motif de la déportation, le motif de décès, la maison où résidaient le déporté en Guyane... Cette liste se poursuit par celle des "évadés et des rappelés" (p. 315) et celle "des déportés établis à Cayenne, de ceux qui sont revenus en France par la Martinique, accueillis par la famille de Sa Majesté l'Impératrice ; et enfin, de ceux pris par les Anglais, et revenus par le Canada (tous à la suite du traité d'Amiens)" (pp. 324-332).

Enfin, les Mémoires - Monseigneur Brumauld de Beauregard, précédés de sa vie, écrite sur des notes et des documents authentiques  tome II, volume 2, consacrent une grande partie de l'ouvrage à la déportation (p. 159 et suivantes). L'auteur raconte ses premiers instants à Cayenne (p. 333) et son arrivée à l'hôpital tenu par les sœurs de la Charité dont il évoque l'histoire (p. 336 et suivantes). La religion étant au cœur de son état, Jean Brumauld de Beauregard ayant été l’évêque d'Orléans, c'est à travers le prisme de la christianisation qu'il s'intéresse à la Guyane et raconte son expérience, ses rencontres, les histoires qu'on lui a rapportées. 


Les autres ressources dans les livres anciens

Seuls les récits de déportés ont été listés dans les lignes précédentes, mais Manioc possède d'autres ressources écrites de cet événement et notamment les Mémoires du général J. D. Freytag, ancien commandant de Sinnamary et de Conamama, dans la Guyane française... L'originalité de ce récit réside justement dans le fait que Jean David Freytag était un homme en fonction dans le territoire guyanais. Arrivé en 1792, il raconte  la Guyane au-delà du seul prisme de l'événement politique de la déportation. 
Plusieurs auteurs relatent aussi a posteriori les événements. Catineau Laroche par exemple discute les propos de Marbois dans son ouvrage De la Guyane française, de son état physique, de son agriculture, de son régime intérieur et du projet de la peupler avec des laboureurs européens ou Examen d'un écrit de M. le marquis de Barbé-Marbois, sur le même sujet. Suivi de Considérations sur le commerce colonial de la France et sur l'administration spéciale de ses coloniesVictor de Nouvion publie en 1844 des Extraits des auteurs et voyageurs qui ont écrit sur la Guyane, suivis du Catalogue bibliographique de la Guyane . Son opinion sur 3 des témoins cités plus avant est quelque peu tranchée : "Ramel, dont l'ouvrage n'est tout entier qu'une violente protestation contre les traitements auxquels il a été soumis, — J.-J. Aimé, que Barbé-Marbois lui-même accuse d'exagération, — et le général Freytag qui a été réfuté, dans des notes pleines d'intérêt, par son éditeur," (p. XXXIX). 
Enfin, Victor Pierre retrace ce pan de l'histoire dans La terreur sous le directoire : Histoire de la persécution politique et religieuse après le coup d'état du 18 fructidor (4 septembre 1797)


Documents anciens des témoins de la déportation en Guyane

Autres documents anciens qui évoquent la révolution française et la déportation en Guyane

Retrouvez tous les épisodes de cette série sur la Guyane et la Révolution française  

J.P.

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La Guyane et la Révolution française #2 La déportation de Billaut-Varenne et de Collot-d'Herbois en 1795

Les déportés politiques "terroristes" de l'an III


Carte de la Guiane française et hollandaise
et carte de l'embouchure de la rivière Sinamary
1789-1799, la Révolution française marque un tournant de l'histoire bien au-delà du royaume de France. Dans les colonies, l'organisation de la société autour de l'esclavage et du préjugé de couleur amène à penser différemment l'application des principes de liberté et d'égalité. Des mouvements insurrectionnels contribuent à la première déclaration de l’abolition de l'esclavage en 1794 et à l'installation pas toujours facile de nouvelles institutions. Mais cette période se caractérise aussi par une politique de répression en France qui conduit à la déportation des plus violents révolutionnaires de l'an III comme de leurs principaux opposants (les "royalistes" et prêtres réfractaires) de l'an V en Guyane. 
Dans ce second épisode, Manioc s'intéresse aux déportés politiques de l'an III (1795) 


Billaud Varennes
Quelque temps après les débuts de la Révolution, il ne s'agit plus d'exiler des hommes en les obligeant à quitter la Guyane, mais bien d'y amener les révolutionnaires français, gênants à Paris.
Jacques-Nicolas Billaut-Varenne et Collot-d'Herbois étaient des députés montagnards. Leurs prises de position étaient parmi les plus virulentes des révolutionnaires. Ils étaient des partisans du régime de la terreur de Robespierre ce qui leur valut à l'époque le qualificatif de "terroristes". Peu après la chute de Robespierre, ils furent déclarés complices de ce dernier et condamnés  à la déportation en Guyane en vertu du décret du 12 germinal an III (1er avril 1795). Collot-d'Herbois mourut l'année suivant sa déportation, en 1796. Mais Billaut-Varenne survécut et rédigea ses mémoires. Publié en 1893, Billaud Varenne, membre du Comité de salut public : mémoires inédits et correspondance accompagnés de notices biographiques sur Billaud Varenne et Collot-d'Herbois : précédés de deux portraits relate son histoire. 

À partir de mémoires et de lettres, le texte évoque la traversée, l'emprisonnement à Cayenne puis à Sinnamary. Après 4 ans d'emprisonnement, Billaut-Varenne est libéré, mais, fidèle à son idée de la République, il refuse de rentrer en France. Il devient alors agriculteur en Guyane. Il évoque à son père ses difficultés, sa rencontre avec une "négresse Brigitte, dite Virginie, créole de Guadeloupe", sa ménagère pendant huit ans, qu'il achète et affranchit suite au rétablissement de l'esclavage. L'ennemi politique de la monarchie reste en Guyane jusqu'en 1816, il quitte alors le territoire précipitamment pour fuir l'instauration de la Restauration ; il s'installe finalement avec Virginie à Haïti, où il meurt en 1819.


Si pendant la période révolutionnaire, Billaud-Varenne fut le premier déporté politique en Guyane avec Collot-d'Herbois, il ne fut pas le dernier. Ainsi, pendant sa période d'emprisonnement à Sinnamary, Billaud-Varenne dut cohabiter avec ses ennemis politiques, car au gré des confrontations, ce fut cette fois, ceux que l'on craignait trop favorables à la monarchie qui furent envoyés en Guyane comme vous pourrez le découvrir dans l' épisode #3  Les 328 déportés politiques de l'an V.

Document ancien

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J.P.


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La Guyane et la Révolution française #1 Les débuts de la Révolution 1790-1792

Les abus de l'assemblée coloniale de Cayenne


Carte de la Guiane française et hollandaise
et carte de l'embouchure de la rivière Sinamary
1789-1799, la Révolution française marque un tournant de l'histoire bien au-delà du royaume de France. Dans les colonies, l'organisation de la société autour de l'esclavage et du préjugé de couleur amène à penser différemment l'application des principes de liberté et d'égalité. Des mouvements insurrectionnels contribuent à la première déclaration de l’abolition de l'esclavage en 1794 et à l'installation parfois compliquée de nouvelles institutions. Mais cette période se caractérise aussi par une politique de répression en France qui conduit à la déportation des plus violents révolutionnaires de l'an III comme de leurs principaux opposants (les "royalistes" et prêtres réfractaires) de l'an V en Guyane. 
Dans ce premier épisode, Manioc s'intéresse aux débuts de la Révolution à la Guyane : 1790-1792.

En Guyane, les débuts de la Révolution française ne s'accompagnent pas d'agitations de la population blanche comme on peut le rencontrer dans d'autres colonies. Néanmoins, dans la loi du 11 février 1791, Louis XVI prévoit l'envoi de deux commissaires civils en Guyane pour "réunir tous les moyens propres à assurer la tranquillité des colonies et presser l'établissement des lois qui doivent les faire participer à la régénération de l'empire." (pp. 1-2)
loi du 11 février 1791

Les élections organisées comme partout ailleurs donnent lieu à quelques irrégularités. Les relations entre le gouverneur, dépositaire du pouvoir jusque-là, et les nouveaux membres élus de l'assemblée coloniale se dégradent. Ces derniers se perçoivent comme l'équivalent sur leur territoire de l'Assemblée nationale française ; à ce titre, ils rejettent toute forme d'objections ou de contestations de leur décision et accaparent le pouvoir. Leur crainte de voir l'ordre esclavagiste remis en cause par les idéaux de liberté et d'égalité défendus dans le royaume de France les pousse à prendre des mesures pour limiter davantage les affranchissements et empêcher la diffusion des idées abolitionnistes. L'interprétation abusive de l'étendue du pouvoir de l'assemblée coloniale donne lieu à des rapports. 

Léon Levavasseur était un général et homme politique. Il avait été élu le 7 septembre 1791 à l'Assemblée législative pour le département de la Seine Inférieure (aujourd'hui Seine-Maritime). Au nom du comité colonial, il présenta en 1792 un "rapport  sur l'Isle de Cayenne et la Guiane-Française...évoquant les difficultés posées par l'assemblée coloniale de la Guyane et la municipalité de Cayenne. Il y dépeint les nombreuses irrégularités, parmi lesquelles l'existence de déportés, ceux que l'on renvoie de la colonie vers la France ou à l'étranger. Les premières déportations furent prononcées en août 1790 contre dix citoyens. En 1791, le sieur Bertholon est condamné à être embarqué pour la France "comme auteur ou complice des projets ou démarches tendantes à occasionner quelque révolution et de fort grands troubles" sic. (p. 23). Puis c'est au tour du sieur Sigoigne d'être banni à perpétuité du royaume et de voir ses biens confisqués abusivement. 
Ces agissements irréguliers sont confirmés par un document intitulé "Analyse et rapprochement des opérations de l'Assemblée coloniale de Cayenne : l'affaire est au Comité colonial, au rapport de M. Léon Le Vavasseur". Gallet "créole, habitant-cultivateur, conseiller" qui signe le document, demande ainsi en son nom et ceux d'habitants de Cayenne, la cassation de l'assemblée coloniale à cause de ses vices. Il donne les modalités de constitution de cette assemblée et décrit tout ce qui lui semble illégal et abusif dans son fonctionnement.

Dans ces premiers temps de la révolution, ce sont des citoyens guyanais qui furent expulsés du territoire, mais très vite on assiste à un phénomène inverse. La Guyane devient terre de déportation pour des hommes venant du royaume de France. Billaut-Varenne et Collot-d'Herbois furent les premiers à en faire les frais comme vous pouvez le lire dans l'épisode #2 La déportation de Billaut-Varenne et de Collot-d'Herbois en 1795. 

Documents anciens sur les débuts de la révolution en Guyane
Voir aussi la bibliographie de l'épisode 3

Pour aller plus loin

  • Bénot, Yves, La Guyane sous la Révolution, Kourou, Ibis Rouge Edition, 1997. 

Retrouvez tous les épisodes de cette série sur la Guyane et la Révolution française  

J.P.

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jeudi 4 juillet 2019

Esclavage en Martinique : la nouvelle base de données hébergée par Manioc

Plus de 3 200 actes notariés et 14 700 personnes au statut d'esclave indexés.

Ce mois de juillet 2019, Manioc met en ligne une toute nouvelle base de données indexant plus de 3 200 actes notariés du XVIIIe siècle et plus de 14 700 personnes au statut d'esclave dans la société coloniale en Martinique. C'est le résultat, d'un projet de longue haleine que l'équipe Manioc vous présente aujourd'hui ! 

"Esclavage en Martinique", interface de recherche

L'aventure a débuté il y a plus de 20 ans, quand M. de Reynal a découvert un fonds notarial, le fonds Mathieu, lors de recherches personnelles sur sa famille et sur les familles créoles de la Martinique. Le fonds contenant des actes notariés du XVIIIe siècle avait été transmis, génération après génération, par les notaires responsables de l'étude jusqu'à parvenir dans les années 1970 au notaire Mathieu. 



Conscient de la richesse d'informations contenues dans les actes, M. de Reynal a alors entrepris de les collecter rigoureusement sous la forme de bases de données. Soucieux de pouvoir partager ses recherches avec le plus grand nombre, il s'est interrogé sur le moyen le plus adéquat pour rendre compte de tout le savoir historique contenu dans ses actes. 
C'est ainsi qu'en 2017, une collaboration naît entre M. de Reynal et Manioc afin de restructurer les données et de les rendre librement consultables pour tout à chacun sur une interface web. 

La base de données se compose de deux volets : "Esclaves" et "Actes notariés" 


Le volet "actes notariés" recense quelque 3 200 actes avec notamment leur libellé, la date, le lieu, le type d'acte et le notaire qui les a enregistrés. Il s'agit pour l'essentiel de ventes, de contrats de mariage, de testaments, de donations... ayant eu lieu dans le sud de la Martinique dans le dernier quart du XVIIIe siècle. Mais l'on trouve d'autres actes, dont des affranchissements.
Le volet "esclaves" recense quelque 14 700 esclaves apparaissant dans ces actes. C'est là le cœur de la base qui permet de mieux connaître la population servile. La fiche de chaque esclave renseigne notamment sur le nom de la personne, mais aussi sur toutes les informations connues à son sujet : sexe, âge, catégorisation ethnoraciale, activités ou qualifications, la valeur qu'on lui a assignée... et aussi ses relations familiales. 
Les deux volets étant liés, il est possible de circuler entre la fiche d'un acte et la fiche d'un esclave. Il est aussi possible de passer de la fiche d'un esclave à celle d'un autre esclave quand ceux-ci ont des lieux familiaux connus. 

Passionnés d'histoire, professionnels ou amateurs, chercheurs et généalogistes... tous y trouveront de quoi mieux connaître la population servile et la société martiniquaise du XVIIIe siècle. 


Manioc vous souhaite une bonne découverte !

>> Pour en savoir plus sur le projet, visitez la page d'accueil et l'à-propos
>> Pour effectuer une recherche, rendez-vous sur  l'interface de recherche. 
>> Pour mieux comprendre la base et ses données, lisez la notice informative.


J.P. 

Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2019/07/esclavage-en-martinique-la-nouvelle.html