Regard sur les bagnes coloniaux
Evoquer l'épisode de la Commune de Paris dont le mois de mars 2021 marque les 150 ans, c'est rappeler l'existence de cette institution particulière que furent les bagnes coloniaux, crées par Napoléon III en 1852.
(…) « Dans les années 1840, se répand l’idée que la concentration de milliers de forçats regroupés dans quelques arsenaux [Toulon, Brest, Rochefort] est dangereuse pour la population civile, contagieuse pour les ouvriers libres et coûteuse pour l’Etat. Et à l’exemple des Anglais ayant déporté au XVIIIe siècle, des dizaines de milliers de Convicts vers leurs terres australiennes, Napoléon III décide, au début de son règne, de l’exil définitif de ceux (et de celles) qui bafouent gravement la loi. »
Première à ouvrir le bal, la Guyane accueille ainsi dès
1852 les réprouvés de la métropole. Hélas, du fait d’un climat inhospitalier et des mauvais
traitements infligés aux détenus, l’expérience est suspendue au profit, si l'on ose dire, de la
Nouvelle Calédonie, destination punitive de substitution, « à plusieurs mois de navigation des ports
français. Et c’est vers ces rives lointaines de la France australe que seront
dirigés en 1871 les Communards victimes des tribunaux versaillais. Au
début des années 1880, la IIIe République, soucieuse d’ordre et de loi, juge la
Nouvelle-Calédonie peu redoutée des criminels et préfère y attirer des colons
libres, dignes de ses richesses. La Guyane, de réputation plus sinistre,
redevient terre de bagne en 1887, »
Car avec la Nouvelle Calédonie, nous explique Henri Cor dans Questions coloniales de la transportation
(1895), « le Gouvernement avait eu la main heureuse », ce territoire
étant situé « assez près du
tropique du Capricorne pour ressentir en partie les effets bienfaisants de la
saison froide des régions tempérées (…) Son éloignement de toute grande
terre et l’état sauvage de sa population aborigène, des canaques
anthropophages, convenaient particulièrement à un essai de colonisation pénale ».
Comme le rappelle en détail cet autre article, trois catégories de bagnards coexistaient en
Calédonie : les Transportés ou forçats, les Relégués ou récidivistes et
les Déportés. Comme tous les condamnés politiques, Louise Michel émargeait à ce
dernier groupe, composé essentiellement de « communards » . Et ainsi que beaucoup d'autres, Louise Michel fût amnistiée en 1880. Le bagne de
Calédonie ferma en 1931, celui de Guyane fut aboli en 1938 à l’instigation de
l’avocat Gaston Monneville, secrétaire d’Etat sous le Front populaire, quelques
années après que le journaliste Albert Londres eût publié une enquête à charge dénonçant cette réalité coloniale.
A lire aussi dans Manioc
- Au pays de l'or et du crime. Le bluff du bagne (1931)
- Notice sur la transportation à la Guyane française et à laNouvelle-Calédonie pour les années 1878-1879 (1883)
- Une haine au bagne (1864)
- Système pénitentiaire : le bagne, la prison cellulaire, ladéportation (1853)
- Souvenirs du bagne (1903)
2 commentaires:
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