mardi 2 mai 2017

Gatine : le combat d'un abolitionniste

L'avocat défenseur de la liberté


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En ce mois des abolitions, Manioc vous propose un focus sur l'avocat Adolphe Ambroise Alexandre Gatine, ardent défenseur des droits des opprimés pendant la période de l'esclavage. Avocat mandaté par d'anciens esclaves affranchis, il a plaidé pour des affaires devenues symboliques de la lutte contre l'oppression.


Né à paris le 30 mars 1805, Adolphe Ambroise Alexandre Gatine est issu d'une famille bourgeoise. Il consacra sa vie à ses activités d'avocat aux Conseils, puis près de la cour de cassation, à la défense des affranchis et des esclaves qui réclamaient leur liberté et celle de leurs enfants. Son cas le plus célèbre fut celui de la guadeloupéenne Virginie, une affranchie qui demandait la liberté pour ses enfants.
En 1831, il cosigna avec Fabien et Cyrille Bissette une pétition à la Chambre des députés relative aux droit des esclaves de se pourvoir en cassation.
En 1834, Gatine présente un Sommaire des moyens de cassation à plaider pour les condamnés de la Grande Anse, hommes de condition libre, demandeurs en cassation... et pour les esclaves condamnés conjointement. Son intervention obtiendra des commutations de peine.
En 1848, il fait partie de la commission d'abolition de l'esclavage présidée par Victor Schœlcher. Il apporte ses compétences juridiques et participe notamment à la rédaction de projets de décrets (la naissance des jurys cantonaux, presse aux colonies).
Nommé commissaire général en Guadeloupe à la demande de Victor Schœlcher, il est chargé d'appliquer la politique abolitionniste. Arrivé au début du mois de juin 1848 sur l'île, il souhaite établir une politique de conciliation, de concertation et de fraternité. A son arrivée, l'émancipation avait déjà été proclamée le 27 mai 1848 par le gouverneur Layrle qui craignait des troubles sur l'île comme en Martinique (référence aux troubles de Saint-Pierre).
"A l'opposé, en Guadeloupe, la situation était plus calme [...] A l'annonce du changement de gouvernement, ils avaient, dans leur grande majorité, accepté l'idée d'une abolition prochaine et prêté allégeance au nouveau régime. Les semaines qui avaient précédé l'abolition avaient donc été moins tendues qu'en Martinique et aucun incident sérieux n'avait été à déplorer. Dès le mois d'avril, de fait, l'esclavage ne fonctionnait plus sur les habitations. La nouvelle des événements sanglants de la Martinique décida le Gouverneur, appuyé de plusieurs maires, propriétaires blancs, à convoquer en urgence le Conseil Privé pour le 27 au matin en vue d'abolir l'esclavage le jour même". (Jean-Pierre Sainton, De l'état d'esclave à " l'état de citoyen ". Modalités du passage de l'esclavage à la citoyenneté aux Antilles françaises sous la Seconde République (1848-1850), Outre-mers, Année 2003  Vol. 90, N°338, page 66).
Mais un travail difficile attendait Gatine : "Si la reprise du travail connut des difficultés, ce ne fut pas seulement du fait des anciens esclaves. Ces difficultés "vinent souvent des propriétaires plus que des travailleurs". Ces propriétaires qui conservaient les habitudes, les réflexes de l'époque - encore si proche - de l'esclavage : "on ne dépouille pas facilement le vieil homme, moins facilement encore le vieux maître"Son attitude conciliatrice lui vaut également des attaques auprès des organes de presse tel que le journal L'Avenir. Face à de nombreuses tensions et conflits avec les colons, Adolphe Gatine est rappelé en octobre 1848. Son séjour lui inspira plusieurs ouvrages témoignages : Abolition de l'esclavage à la Guadeloupe, quatre mois d'administration abolitionniste (1849), De la politique conciliatrice et progressive à l'occasion des nouvelles élections de la Guadeloupe (1849).

Dans le reste de sa carrière Gatine interviendra également en faveur des Indiens des comptoirs français de l'Inde. En 1858, il adresse au prince Napoléon, alors chargé du ministère de l'Algérie et des colonies, un Exposé des réclamations des Hindous de Pondichéry.
En 1864, il publie sous forme de poème, Souvenirs d'un abolitionniste. Il meurt le 21 août 1864.


L'affaire Virginie 

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En avril 1832, l'esclave guadeloupéenne Virginie, a été affranchie par testament par sa maîtresse, Madame de Bellecourt. Cet affranchissement n'eut effet que 10 ans plus tard, à la mort de Madame Bellecourt. Au moment de son affranchissement effectif, Virginie avait 2 enfants, Simon et Amélie. S'appuyant sur l'article 47 du Code noir qui impliquait "l'indivisibilité de la famille esclave jusqu'à la puberté des enfants", Virginie réclamait la liberté de ses deux enfants. Sa demande fut rejetée par la cour royale de la Guadeloupe.
Virginie fit appel de ce jugement devant la cour de cassation. L'affaire fut renvoyée à la cour royale de Bordeaux. Mais elle se prononça en faveur des intérêts des héritiers de Bellecourt.
Une nouvelle fois l'affaire fut renvoyée en cassation. Cette fois-ci devant la cour royale de Poitiers, jugée moins sensible aux influences coloniales. Virginie eut gain de cause, sa fille survivante Amélie est déclarée libre. Son fils Simon était mort le 30 juin 1842. En outre, Virginie se voit octroyer la somme de 14000 francs de dommages et intérêts.

L'arrêt de Poitiers fit jurisprudence et permit à Gatine d'intervenir avec succès dans des affaires analogues. L'affaire Virgine marque un tournant dans les procès d'affranchissements. Les esclaves pouvaient avoir droit à la liberté non seulement en vertu de l'article 47 du Code noir mai aussi en parfait accord avec la réglementation...


L'affaire de Marie-Sainte Platon

Suite à l'affaire Virginie, Adolphe Gatine intervient dans d'autres affaires du même genre : comme l'affaire de Marie-Sainte Platon.
Marie-Sainte Platon est une ancienne esclave de l'habitation Casse-Cou au François (Martinique). En 1840, grâce à son pécule et celui de son compagnon François, elle pu racheter sa liberté à l'âge de 46 ans, le 23 mars 1840 pour la somme de 1000 francs.
Mais son compagnon, ses enfants et petits-enfants (au nombre de 13) restèrent en esclavage dans l'habitation.
En 1847, Gatine présente un pourvoi devant la cour de cassation. Une plaidoirie qui vise à obtenir la libération de tous les proches de Marie-Sainte Platon. Une réclamation de liberté appuyée sur 2 fondements : le premier au terme de "l'article 47 du code noir et de l'arrêt Virginie, les 3 enfants impubères séparés de leur mère par l'affranchissement de celle-ci, devaient être libres avec elle". Le deuxième "François, esclave ayant contracté mariage avec une personne libre, était affranchi de droit, avec les enfants antérieurement issus des deux conjoints". En effet, ils s'étaient mariés le 8 novembre 1842 devant le curé de la paroisse du François.
Ainsi une réclamation de liberté fut portée par Mme Platon devant le tribunal civil de Saint-Pierre. le juge déclara libres de droit François et les treize enfants ou petits enfants de Marie-Sainte Platon le 26 mai 1846. 


Sur Manioc 

  • Jacques Adélaïde-Merlande, Un avocat défenseur des droits de l'homme : Adolphe Ambroise Alexandre Gatine (1805-1864), Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, n° 106, 01-10-1995, p. 96-99.

Sur Gallica 
Bonne lecture !
C.P.
Article mai 2017, bibliographie mise à jour en mai 2019


Lien vers l'article : http://blog.manioc.org/2017/05/gatine-le-combat-dun-abolitionniste.html

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